Espace à Vendre, Nice
Jusqu’au 2 juillet 2022
Dans le massif du Mercantour, la Vallée des Merveilles abrite quelques 40000 gravures rupestres. Arpenter un tel espace empreint de magnétisme et d’un art surgi du néolitisme et de l’âge de bronze, c’est s’aventurer dans un voyage initiatique au cœur d’une austérité minérale entre ciel et terre. Du réel à l’imaginaire, ce lieu se métamorphose en terrain d’expérimentation pour deux enseignantes de l’École des Beaux-Arts de Marseille, Karine Rougier et Nina Léger. Il ne s’agit pas tant pour elles de représenter un paysage que de conduire de jeunes artistes ou d’autres déjà confirmés, dans une randonnée expérimentale sur les traces de ce qu’un tel territoire, vécu ou pensé, peut produire en termes de matières, de métaphore, de relation au vivant et au fantastique.
Tour à tour grave ou féerique, la vallée est ici ce hors-temps de la découverte, cette échappée du réel par la seule volonté de gravir les cimes ou d’explorer les gouffres de l’imaginaire, du fantasme et de toutes les formes solaires ou nocturnes qui agitent nos rêves ou notre conscience. Dès l’entrée, une toile de Lassana Sarre happe le visiteur. Un boxeur noir frappe un espace incertain entre deux mondes, comme se forçant un passage entre le désir et le réel.
Avec le concours de la galerie Anne Barrault, l’exposition développe les gammes de la violence ou de la tendresse mais toujours sur le mode de l’inattendu. Une vague de Raymond Pettibon nous projette hors de l’espace à moins qu’elle nous engloutisse dans les entrelacs de ses entrailles. Et toute l’exposition repose sur cet entre-deux et développe un parcours déroutant à travers lequel une énigme se formule. Un fil d’Ariane se dessine dans les méandres d’un labyrinthe où se heurtent symboles, mythologies, figures grimaçantes ou rieuses et même chauve-souris. Et c’est alors qu’en contre-feux, surgit la sublime abstraction de Raphaël Zarka par la qualité ouatée d’un fusain et de son noir velouté qui découpe les aspérités terreuses d’un frottage de céramique. Ou encore cette vaste tempera paisible de Christian Hidaka comme figée au seuil d’un récit dans lequel temps et espace s’abolissent dans un rêve éveillé.
La Vallée des Merveilles est alors l’atelier mental de l’artiste, elle est l’inscription de tous les possibles. La géographie des mots nous entraîne dans une nouvelle carte du tendre avec l’œuvre de Guillaume Constantin, «Du royaume de la galanterie» tandis qu’un bronze de Sore Vénus exhibe la provocation indécente et rieuse d’une autre vallée. Et de monts en merveilles, toujours on s’étonne et s’émerveille.
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