Gonzalo Lebrija, "Cubo torcido"
Jusqu'au 2 octobre 2021
Par son aspect monumental, la sculpture peut se heurter aux modulations d'un paysage ou contrarier les vieilles pierres d'un village, aussi exige-t-elle des artistes beaucoup d'humilité et un sens aigu de la poésie pour se fondre dans un lieu tel que Saint-Paul de Vence. Dans sa première édition en 2018, la Biennale s'appuyait sur des artistes déjà confirmés et chacun d'eux jouait sa propre partition en imposant fièrement son travail sur les remparts et dans les ruelles du village. Désormais, place à la jeune création pour des sculptures moins invasives et une orchestration plus subtile par les matières convoquées, la distribution des œuvres dans l'espace urbain et le choix de celles-ci sous le commissariat de Catherine Issert et la présidence d'Olivier Kaeppelin.
Avec plus de modestie, cette seconde Biennale confirme son incrustation dans un lieu où la force de l'art émane de chaque pierre comme de la qualité de son ciel. Dix-huit jeunes artistes insufflent ici de nouvelles perspectives en proposant des œuvres plus sensibles, plus en relation avec leur temps. Des installations se déploient avec délicatesse pour célébrer l'espace d'une chapelle, adoucir la rigueur d'une tour ou déjouer la puissance d’une architecture. La nature, les mythes, l'artisanat, la modestie des matériaux s'associent alors dans une circulation à l'encontre de l'esprit de verticalité qui préside d'ordinaire à une telle manifestation.
Quand l'artiste allemand Stephan Rink dresse ses figures de pierres calcaires c'est pour un rappel à l'art roman avec ses monstres qui le hantent dans un contexte populaire. Les colonnes brisées de Linda Sanchez se couchent sur le sol dans la blessure de leurs veines pigmentées tandis que Juliette Minchin joue de l'acier et de la cire pour une subtile scénographie où la peau du corps se confronte à la trame d'une architecture religieuse. Dans cette pièce, « Omphalos », l'artiste ajoute une dimension sacrée qui conduit à une méditation sur la mémoire comme traduction du site où elle se dépose. L'émotion peut aussi naître de la nature même du matériau comme chez Kokou Ferdinand Makivia, artiste du Togo qui parvient à donner vie à la matière en conjuguant le cuivre et un rondin d'arbre. Comme une onde organique qui se diffuserait de la terre vers le ciel, l’œuvre se présente comme l'instant d'une coulée qui se fragmente et s'interrompt. Elle consacre un arrêt dans le temps. Pour l'ensemble de ces jeunes artistes, l'énergie l'emporte sur la puissance de l’œuvre. Comme si celle-ci devait porter une force vitale, nourrie d'une mémoire, mais aussi d'un récit en construction et d'un horizon auquel il fallait donner forme.
Œuvres de Awena Cozannet,Martine Feipel & Jean Bechameil, Stéphane Guirand, Gonzalo Lebrija, Quentin Lefranc, Charles Le Hyaric, Kokou Ferdinand Makouvia, Juliette Minchin, Aurélie Pétrel, Florian Pugnaire & David Raffini, Stefan Rink, Kevin Rouillard, Linda Sanchez, Pierre-Alexandre Savriacouty, Elodie Seguin, Charlotte vander Borght, Delphine Wibaux et Scenocosme.