Photos, Fr Fernandez.
« Remember », Mauro Ghiglione
On
n' aborde le travail de Mauro Ghiglione qu'au terme d'un certain
nombre de détours. Ou, pour le dire autrement, de contournements et
de détournements de l'image. Celle-ci, dans un souci revendicatif
affirmé, est le noyau dur de son œuvre. Elle fait écho à une
longue tradition philosophique et artistique marquée d'une suspicion
pour l'image dont l'un des symptômes majeurs apparut dans le livre
de Guy Debord, « La société du spectacle. » Celui-ci
s'ouvrait sur une citation de Feuerbach : « Et sans doute
notre temps... préfère l'image à la chose, la copie à l'original,
la représentation à la réalité, l’apparence à l'être. »
Un peu plus loin, Debord lui répondait : « Les
images qui se sont détachées de chaque aspect de la vie fusionnent
dans un cours commun, où l'unité de cette vie ne peut plus être
rétablie. La réalité considérée partiellement se déploie dans
sa propre unité générale en tant que pseudo-monde à part, objet
de la seule contemplation . La spécialisation des images du monde se
retrouve, accomplie, dans le monde de l'image atomisée où le
mensonger s'est menti à lu-même. Le spectacle en général
comme inversion concrète de la vie, est le mouvement autonome du
non-vivant.»
Nous
y sommes. L'image demeure le paradoxe fondamental. Elle témoigne
d'un leurre en même temps qu'elle dévoile l'invisible du réel. Ou
bien n'est-elle qu'un fragment assujetti au mensonge du spectacle
quand celui-ci dévore la vie. Enfin retrouvons-nous ici ces prémisses qui
donnèrent lieu et forme à l'art contemporain : Dada, le
surréalisme, Duchamp, le ready-made, Fluxus... L'expression d'un art
total, délivré de sa fixation à l'image, ne risquait-elle-pas en
définitive de conforter le pouvoir mortifère du spectacle ?
N'y avait-il pas quelque part l'écueil d'un obscurantisme
iconoclaste ? Pourtant seul l'art pouvait légitimement s'emparer de l'image, l'explorer dans ses tripes, la dé-figurer, la
déconstruire pour la recomposer sur un autre paradigme. C'est sur
cet axe que travaille Mauro Ghiglione. Sur cette urgence aussi car
l'omniprésence de l'image dans le monde d'aujourd'hui produit une
saturation de l'imaginaire et, à terme, concourt à sa disparition.
« No more Pink ?», Ben Petterson
Lors
d'une interview, Ben Patterson déclarait : « Je dis que
les artistes sont comme de vieux cow-boys ; ils meurent en
restant dans leurs bottes ». De toute sa vie il ne cessa de
jouer sur les franges de l'ironie. Disparu en 2016, il se consacra
essentiellement à la scène musicale jusqu'à sa participation en
1962 au premier festival Fluxus à Wiesbaden. L'artiste se lance alors dans
des assemblages périlleux et spirituels ; il explore la charge
invisible des images et l'étalage du mauvais goût. Sa première
exposition s'intitulait « An ordinary life » : Tout un
programme dont il ne s'extraira jamais. Une œuvre lucide et
jubilatoire : Faut-il voir la vie en rose ?