Galerie Sintitulo, Mougins
Avec
beaucoup d’habileté et une lucidité certaine sur ce qu’implique l’art de peindre, il détourne la critique traditionnelle de la peinture qui s’opéra dans les années
6O, notamment avec les artistes de support- surface: Tandis que ces derniers
déconstruisaient les éléments formels, toile et châssis, Setton contourne la
mise en accusation que cette critique supposait. Il va
réinterpréter la peinture mais en fonction de la lumière qui en est la
condition. Il démontre comment celle-ci
modifie le sujet représenté avant toute
forme d’énonciation ou de récit. Ainsi la peinture, selon cette approche, n’est-elle plus que la représentation illusionniste d’un
dispositif que l’artiste met en place et qui devient la réalité de l'oeuvre.
Pour cela il construit des caissons renfermant
un volume, un biface légèrement coloré encadré d’un subtil éclairage qui, selon
la lumière extérieure et la distance du spectateur, transformeront le volume en
surface plane. L’objet et son ombre
portée se fondent dans un objet pictural idéal dans sa planéité alors que,
matériellement, il n’existe pourtant pas dans le modèle de sa réalité originelle. A La
déconstruction, Jérémie Setton répond par cette reconstruction de l’idée de la
peinture à partir de ce qu’elle n’est pas. Le volume créé par la perspective
est désormais le principe constitutif de la peinture et le plan en est la
finalité.
Au-delà de cette
recherche théorique, l’œuvre séduit par sa pureté formelle empreinte de sérénité. La couleur s’accorde au gris et aux
ombres. Elle se déploie dans une gamme délicate, s’empare de toute sa
matérialité par la subtilité de son environnement lumineux. Ces dispositifs
sous formes de caissons dialoguent aussi avec des « dessins » qui démontent
le système de l’image dans l’incertitude de la peinture ou de la photographie.
Est-ce le réel qui se dépose sur l’image ou
l’image construit-elle sa propre réalité, c’est à dire se destine-t-elle à une
fiction ? Jérémie Setton peint ce trouble sur du papier avec une encre de
Chine très diluée. Un patient travail de recouvrement procure cet aspect flou
et sépia d’une photo ancienne qui sortirait à peine de son bain de révélateur.
Là encore l’artiste travaille sur
l’illusion que l’image produit sans qu’il ait eu recours à quelque artifice.
Présence et absence sont bien au cœur de
toute création, pour l’image comme pour celui qui, acteur ou spectateur, s’en
empare. En quoi l’image apparaît-elle ou disparaît-elle ? A moins qu’elle
ne soit qu’une utopie, un territoire
pensé ou rêvé que l’artiste met en forme mais qui s’efface aussitôt qu’il
s’attelle à un nouveau défi.
Michel Gathier
Michel Gathier