Espace à Vendre, Nice
L'art
de Philippe Ramette se fond dans un récit dont l'homme serait à la
fois l'initiateur et l'acteur. Un récit d 'apparence
autobiographique s'il fallait ici s'abandonner aux faux semblants
alors que l'artiste, au contraire, en désigne les trucages et révèle
l'envers d'une mise en scène dont le décor serait le monde physique
avec ses objets, des villes ou des océans.
L'homme de Ramette est
universel en ce sens qu'il est soumis aux lois de la gravité, à
l'illusion de la perspective, à l'attraction de la pesanteur mais le
geste de l'artiste -ce qu'il convient désormais de nommer
« performance » - sera celui d'une expérience de la
déconstruction de ces lois. Changements d'échelle, architecture du
déséquilibre, autant de manières pour Philippe Ramette
d'introduire des coupes dans notre façon d'envisager notre rapport
au monde.
Les
photographies illustrent cette impossible ou douloureuse relation de l'homme à son
environnement. La posture raide et figée du personnage dans son
précaire équilibre exclut toute psychologie et désigne de fait un
récit sans narration. Ce qui serait le moindre paradoxe pour une
œuvre construite sur la notion même de paradoxe et de défi au sens comme à la logique.
Mais ici tout est faussé et l'artiste démont(r)e les illusions, les
procédures vaines et lui-même se donne à voir comme un signe
corseté dans le costume sombre et stricte de l'anonymat. Egalement dans les dessins ou les sculptures en résine, l'homme se réduit à une enveloppe vide, à un spectre.
Il y
a ici cette forme d'humour métaphysique qu'on peut retrouver dans
les mises en scène de Magritte, dans la récurrence d' hommes
réduits à des signes anonymes, étrangers au monde, dans les
peintures de Jean Hélion ou d' Antonio Segui. Pourtant Philippe
Ramette – autre paradoxe – reste l'artiste de la gravité même
quand il en déconstruit fictivement les lois. Tout est factice, tout
est réversible.
Cet
humour froid, distancié, clinique, joue avec l'humour noir en le
désignant comme simple référence sans jamais nous installer dans un univers sombre ou
hostile. L'objectivité -peut-être faudrait-il dire,
« l’objectivation du monde » - reste de rigueur. Sur un
socle de bois pur, une porte s'ouvre sur le vide avec une plaque « sortie des artistes » et l'on pense à un échafaud.
Ailleurs des objets se réduisent à des prothèses et l'on ne sait
qui de l'homme ou de la chose est le plus risible en cette inquiétante histoire.
Prothèses, synthèses, foutaises, tout est grinçant et nous donne à
voir autrement le monde.
Pour
cela, il lui faut s'en détacher, l'expérimenter par des rites quasi
obsessionnels et maniaques, en représenter l'aridité radicale pour
en extraire, au mieux, une beauté nouvelle. A moins que le trouble,
la suspension du sens littéralement figurée ici en soit le creuset
pour la promesse d'une autre perception du monde.
Du 6 octobre au 26 novembre 2017
Du 6 octobre au 26 novembre 2017
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