Galerie Helenbeck, Nice
« Vivre
ou mourir » : il est des titres d’expositions qui obligent à la circonspection et ne trouvent de réponse
au questionnement qu’elles supposent, que dans l’étonnement pour une telle alternative radicale dans laquelle l’art doit pourtant tâcher de s’inscrire. Cette injonction – appelons là un défi - ne supporte donc aucune
idée de flânerie pas plus qu’elle ne se prêterait à la compromission ou à la demi-mesure.
En réponse à ce double infinitif on s’attend, quand deux artistes se trouvent confronter à
leur exigence, à une approche distendue, à un grand écart, et pour tout dire, à
quelque catastrophe qui viendrait les emporter…
Réunir le
grand Sol Lewitt, le minimaliste, le conceptuel disparu en 2007 et Quentin
Derouet, le jeune artiste, le poète qui se saisit de la rose dans toutes ses
déclinaisons plastiques, voilà une gageure qui frise l’insolence. Un défi qui
ne se relève que par une invraisemblable quête de l’impossible ! D’une
telle aventure on en sort grandi ou bien, le plus souvent, on y sombre ;
le pari est sans rémission possible mais l’expérience est aussi promesse de toutes
les découvertes, fussent-elles les plus inattendues.
Ce risque, il faut donc s’en
saisir et l’assumer avec cette certitude que deux grands artistes ne peuvent
mutuellement se faire de l’ombre mais, qu’au contraire, leur confrontation sera
source de lumière et que le travail de l’un éclairera celui-de l’autre. La commissaire
de l’exposition, Camille Frasca, parvient ici à la sérénité d’un dialogue entre
les œuvres là où l’on appréhendait une certaine cacophonie visuelle. Et c'est miraculeux!
Sol Lewitt,
parce qu’il avait aussi une formation d’architecte, aimait les murs ; ceux-ci
n’étaient pas de simples supports mais des constituants de l’œuvre. De même que
pour lui le réel se limitait à ces éléments-là, à des couleurs simples et à des
lignes qui, au-delà de toute tentation représentative, extirpaient l’essence des
choses, leur rythme interne par des effets de juxtaposition, d’ondulation, de
vibration… C’est cette vie d'avant qu’elle ne dise que saisit l’artiste. Et c'est
aussi cette vie-là que raconte Quentin Derouet, mais dans une toute autre essence:
celle des roses. Les lignes et les couleurs de l’un se déclinent dans la
matière de l’autre. Quentin Derouet s’empare du mur, le mesure à
l’empreinte de la fleur et de ses coulures. C’est ce mur qui dit la vie, l’éros de la rose et le
trajet de sa décomposition. Il lit l'oeuvre de Sol Lewitt en même temps qu'il se relie à elle.
. Belles et silencieuses, les œuvres se répondent alors dans ce « vivre ou mourir » avec nulle autre réponse possible que
celle que des roses, des formes et des couleurs…