Galerie Catherine Issert, Saint-Paul
Du 20 juin au 15 juillet 2017
Quand se désagrège
en 1971 le mouvement Supports-Surfaces, certains de ses acteurs
redécouvrent l'espace illusionniste de la toile et le recours à
l'histoire de la peinture. D'autres persistent pourtant dans cette relation à
la pauvreté des matériaux, au décloisonnement de la peinture et à
sa relation conflictuelle à l'espace dans laquelle elle s'inscrit.
D'emblée,
Dezeuze s'intéresse au châssis, à ses effets de transparence quand
Viallat, de son côté, développe son travail sur la forme à
partir de son fameux signe récurrent -haricot, osselet, écho
aléatoire d'une maille de cordage, on ne le saura pas. Mais ce
signe, devenu l'objet même de sa peinture, inscrit un effet de
recouvrement qui dévoile la matérialité du support.
Même s'il s'agit
là de généralisations trop hâtives pour deux artistes qui n'ont
cessé d'explorer des chemins de traverse où ils pourraient se
rencontrer, il faut bien admettre que ce face à face s'avérait
extrêmement risqué. Or, miracle, plus qu'un dialogue entre les
œuvres présentées, une relation harmonieuse s'instaure entre les
claies, les treillis, les nasses colorées dans leur légèreté
aérienne de l'un et, pour l'autre, l'intensité d'une couleur franche, épaisse, qui
se répand dans la diversité des matériaux.
Dezeuze, c'est l'empreinte de la légèreté et d'une peinture qui semble sourdre du bois
comme une sève à peine colorée. Baveuse, imprécise, la couleur investit le support. Elle se répand, fragile, balbutiante, sur le tamis d'une
moustiquaire, un grillage, un treillis et devient cette énigme d'une
poésie du vivant qui se dépose contre un mur. Il y a là comme un
dépôt biologique dans les restes d'un geste primal, l'humilité
des objets dans le souvenir des rituels anciens de la cueillette et de
la pêche... La nature dans sa pauvreté exulte et l'artiste se
saisit magiquement de ce tremblement.
A l'inverse,
Viallat impose la force de la couleur, l'insistance de la forme. Mais
là encore, le fond demeure investi de son ancienne valeur d'usage, celle d'un
papier peint, de la toile d'un parasol ou de tout autre objet
détourné de sa fonction par le signe de la peinture. Celle-ci peut
être épaisse ou légère, transparente ou opaque, mate ou
brillante, l'artiste sait en exploiter toutes ses potentialités en
accord avec ou contre le support choisi.
Entre ces deux
artistes circulent des vagues de formes et de couleurs contraires et
complémentaires. Les unes se tissent aux autres et répandent cette
poésie sereine des gestes éternels de l'artisan quand celui-ci,
méticuleusement, minutieusement, dépose du sens dans l'objet qu'il
fabrique. Considérons l'art comme ce face à face du réel avec
lui-même, comme cet instant fragile entre l'homme et le souffle de
la nature qu'il matérialise.