Musée des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice
Jusqu’au 28 septembre 2025
Il fut de ces artistes dont l’écriture s’apparentait tellement à une signature que les critiques s’en détachèrent. L’évidence d’un style, le brio de l’exécution, souvent tendent à reléguer le peintre dans les oubliettes de l’art pour ce soupçon de facilité où pourtant parfois se développe le génie. Il ne théorisait pas mais s’inspirait des autres. Il s’imprégnait du monde et peignait dans l’indécence du bonheur. Pourtant l’œuvre a su traverser le temps et le parcours sur lequel nous conduit l’exposition niçoise réalise une synthèse de cette peinture de la première moitié du XXe siècle puisque Raoul Dufy, d’abord influencé par le post impressionnisme, évolua vers le cubisme. Il emprunta à Cézanne une construction de l’espace sans perspective à partir de touches obliques mais c’est pourtant avec la découverte de Matisse et du fauvisme qu’il déploiera son style.
Désormais dessin et couleur jouent leur propre partition, se dispersent ou se confondent dans un mouvement musical porté par une conception aérienne de l’espace. Le peintre était aussi musicien et une superbe toile rend hommage à Debussy. Vers 1920, son style est établi. D’une grande connaissance des classiques comme de ses contemporains, l’artiste impose ses couleurs vives dans la danse de ses arrondis et de ses arabesques magnifiés par la simplification des formes. Sans doute la gaieté qui en ressort l'aura-t-elle desservi tant on l’a souvent confondu à de la frivolité. Mais l’œuvre s’autorise tout tant elle s’accorde au rythme du monde, à ses fêtes, au souffle d’un bleu azur et à l’infusion de la couleur dans la lumière. Raoul Dufy, né au Havre, résida dans des lieux multiples, en particulier à Nice ou naquit Eugénie Brisson, son épouse, qui en 1953 hérita du fonds de son atelier avec quelques 1200 œuvres dont une partie revint au Musée Chéret.
Cette exposition témoigne de la diversité des espaces qu’il traversa, des paysages dans lesquels le ciel se confond à la mer et des ports qui nous ouvrent à la lumière comme dans le souvenir des peintures de Claude Gelée le Lorrain. Mais surtout des compositions insolites quand des scènes quotidiennes se désagrègent au fil du dessin qui se dissout dans la métamorphose des couleurs. C’est «Le miracle de l’imagination» tel que l’énonce le titre de l’exposition. Raoul Dufy peint ces instants lors desquels le réel est soumis à l’imaginaire. Il s’affranchit de toutes les règles pour célébrer toutes les modulations de la vie comme autant d’ondes de bonheur. Cette liberté le pousse à s’autoriser à tous les domaines, qu’il s’agisse de l’illustration des poèmes d’Apollinaire, de la gravure, de la céramique ou de la décoration. Imaginer c’est expérimenter les traverses du réel et la vision picturale de Dufy rejoint celle de Matisse dans l’idée d’un rayonnement, d’une lumière qui préfigure les formes qui en surgissent.
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