Galerie Eva Vautier, Nice
Jusqu’au 8 février 2025
Comme tout discours, l’art contient sa part de rhétorique et s’organise autour de certaines figures de style. Et le chiasme d’un titre, «Pouvoir faner, vouloir fleurir», se charge de ces croisement de significations qui s’ouvrent à tous les possibles et à leurs contraires. Marc Chevalier excelle à ces jeux de mots et de sens qui se cristallisent dans l’éphémère ou se matérialisent, entre peinture et sculpture, dans des œuvres qui désignent ce qu’elles sont tout en échappant à toute définition. Et le paradoxe veut que de ces expérimentations audacieuses auxquelles l’artiste se livre entre poésie et humour, un univers personnel émerge en s’ouvrant à des constructions improbables pour définir de nouveaux territoires dans la création contemporaine.
Voir enfin les œuvres et s’étonner qu’elles claudiquent dans ce pas de côté qu’elles assument en ce qu’il permet de définir cette fonction exploratoire de l’œuvre d’art. Ainsi là on l’on voit de la peinture, il n’y a en réalité que des accumulations de scotch qui structurent un improbable châssis. Ou bien, ailleurs, le tableau se résume-t-il à des agglomérations de couleurs solidifiées qui désigneraient l’alpha et l’oméga de la peinture avant toute expressivité. D’un medium à l’autre, Marc Chevalier invente accumulations de sens, déséquilibres et autres perturbations du réel qui nous emportent aux confins de l’absurde et de l’émerveillement dans des contrée étranges où le monde se réorganise sur les décombres de nos certitudes. Une peinture séchée sur sacs plastiques compressés peut-elle nous parler d’autre chose de ce qu’elle est? De fragiles empilements de fleurs et de fragments botaniques en immenses couronnes fragiles pour l’idée de fleurir ou de faner évoquent-t-ils l’énigme du réel, du temps et de l’espace? Autant de propositions que Marc Chevalier essaime dans son parcours artistique entre le souvenir de Fluxus ou de Support/Surface pour réécrire ou enterrer l’histoire de l’art.
Pourtant loin de toute ambition théorique, l’artiste s’aventure sur les sentiers de la poésie quand avec dérision, il explore le dérisoire. On retourne les mots, on découd le sens et toujours tout se décompose et se recompose. Avec de la matière ou avec des mots, l’artiste déchire les apparences; il visite le rejet, le rebut, l’inutile ou le sale; il hérite de l’histoire, d’un vocabulaire, de la beauté et du néant. Alors autant s’en décharger, de les déposer sur le mur ou sur le sol et d’en exhiber les restes dans le geste grandiose du magicien. Heureuse tragédie de la lucidité.
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