Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence
Jusqu’au 6 octobre 2024
Pour fêter ces 60 ans, il fallait revenir sur ces liens d’amitié entre la famille Maeght et nombre d’artistes qui furent à l’origine de cette Fondation. Parmi eux il y eut ces rencontres avec Matisse et Bonnard, tous deux à peu près du même âge mais tellement étrangers dans leur approche picturale. L’exposition montre combien chacun d’eux traite d’un même sujet, le paysage, le portrait ou le rapport du peintre avec son modèle mais selon des voies très différentes. De l’un à l’autre, de Bonnard qui travaille la lumière à partir de l’instinct ou de Matisse qui se soumet à la pensée, c’est pourtant toujours une relation attentive et respectueuse qui perdurera notamment durant la seconde guerre mondiale quand les deux artistes résideront près de Vence où vivent alors Aimé Maeght et son épouse, Marguerite.
Cet anniversaire est aussi l’occasion d’une prouesse architecturale puisque, sans modifier son aspect extérieur, la Fondation inaugure quatre nouvelles salles creusées dans les soubassements de l’édifice. Leur clarté répond à l’immensité du paysage méditerranéen qu se déploie entre les baies vitrées et les œuvres de Miro’, Braque, Chagall, Giacometti parmi tant d’autres artistes plus contemporains. L’architecte Silvio d’Ascia souhaitait respecter l’intégrité visuelle de la Fondation et selon ses mots, « Ne rien ajouter mais au contraire soustraire», tout en créant 500 m² d’extension.
La confrontation amicale entre Bonnard et Matisse se réalise le long du rez de chaussée du bâtiment selon un parcours thématique. D’emblée deux univers se déploient, une brume de pétales colorés pour Bonnard et la certitude du trait et de la courbe dans la rigueur chromatique de Matisse. Pourtant malgré ces deux regards si divergents, c’est une même admiration pour l’autre qui réunissait les deux artistes. Bonnard c’est la vie qui se confond à la lumière. Les corps s’y enveloppent, se fondent parfois dans un jaune incandescent qui les conduit au seuil de la brûlure. La peinture est un rite solaire même quand elle épouse l’angoisse de la nuit. Et l’œuvre conserve ce parfum d’inachevé qui s’imprègne de l’éternité du vivant.
Rien de cela pour Matisse dans son opiniâtreté et ses certitudes par une recherche qui aboutit toujours à son terme. L’œuvre s’offre à nous, impérieuse, dans sa seule perfection. Toiles et dessins relatent ces visions du monde qui traduisent aussi l’intériorité d’un regard quand il se conjugue à celui de l’autre dans l’énigme d’ une sensibilité et de la différence quand elle se lie à une attention réciproque. Cela s’appelle l’amitié et c’est ce qui transparaît ici, quand, avec une émotion sereine, Matisse dessine le portrait de Marguerite Maeght. Car, en filigrane, c’est aussi toute une histoire familiale qui s’écrit. Celle d’Aimé Maeght, le marchand et le lithographe, et sa relation intime avec les nombreux artistes qu’il fréquenta. Parcourir ce chemin semé de cimaises c’est visiter ces temps disparus qui pourtant se dévoilent aujourd’hui dans la magnificence des formes et des couleurs.
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