jeudi 10 novembre 2022

«Devenir fleur»

 


                  MAMAC, Nice

Jusqu’au 30 avril 2023


                                                          Nils-Udo, Mille Narcisses

Voir la fleur autrement, la penser au-delà de son économie ou de sa fonction décorative, telle est la proposition de cette ultime exposition sur le thème des fleurs pour cette cinquième Biennale des arts à Nice.


Qu’elle s’impose dans sa matérialité glorieuse ou qu’elle s’inscrive dans une métaphore de la fragilité et de l’éphémère, la fleur, depuis l’aube des temps n’a cessé de dire l’humanité. Et le langage des fleurs, s’il s’arrime à nos joies ou à nos peines, impose sa propre syntaxe par laquelle se formulent ou se décomposent les images de ce que nous sommes. Les fleurs nous invitent à les entendre et, qu’elles étalent leurs pétales sombres ou lumineux, ce sera toujours l’éclosion de la vie dans la relation de l’humain et du monde végétal qui l'emportera.

«Devenir fleur» est cette exposition du MAMAC qui arrache le végétal au symbolique pour l’envisager comme un organisme vivant qui renverrait une image de nous-mêmes mais qui surtout nous permettrait de  nous approprier un autre langage, le sien, celui qui  nous révélerait une autre présence au monde. Tour à tour poétique et politique, la fleur nous engage ainsi à nous transformer et nous convie à une osmose harmonieuse avec l’univers. Une trentaine d’artistes de tous les continents nous entraînent dans un cheminement sensible à travers les murmures de la nature et de nos gestes qui la mutilent ou la réparent.

Ce parcours initiatique se développe en trois moments. «Être fleur» nous invite à changer notre perception, à penser à partir de l’autre dans une relation d’humilité. C’est dans notre regard sur la fleur réinventée par l’artiste, que cet échange se réalise. Une communion faite à partir de cueillettes lentes  et de réagencements comme pour le superbe tapis végétal de Marinette Cueco ou bien les subtiles enlacements des guirlandes de Chiara Camoni. Et la main et la fleur fusionnent enfin dans un organe commun sur les photographies de Nona Inescu.

«Jardin des métamorphoses» s’ouvre comme un nouveau territoire mental à partir de rêves et d’hybridations. L’irréalité se mesure à la pulsation des formes et des couleurs quand celles-ci s’arrachent de la nature pour la défier ou la magnifier. De nouveaux paysages se créent quand les jardins se limitent à des constructions humaines. Ce sont alors leurs rituels qui s’imposent. Un environnement de Blanca Bondi nous plonge vers des espaces oniriques où des excroissances végétales défient la lumière et déploient des cercles liquides comme dans un ciel. Des films, des installations, des sculptures ou de superbes dessins de Penone s’en approchent au plus près quand des arborescences naissent au creux des yeux comme autant d’œuvres pour expérimenter d’autres façons de voir et de penser.

C’est dans cette conscience nouvelle que se joue la dernière étape de ce parcours. «La botanique du pouvoir» représente ce regard par lequel les effets de domination se heurtent à l’indétermination des substances, des intérêts et des rôles, à l’exploration, à la colonisation et à tous les déplacements sur lesquels les sociétés se brisent ou se recomposent. L’idée de blessure et de réparation, la fragilité mais aussi la capacité de résilience pour nos écosystèmes sont autant de liens qui rattachent l’humain à la flore et effleurent une écriture du partage. C’est ainsi que Kapwani Kiwanga nous offre des bouquets de  délicates fleurs en papier sur des socles en larmes ou gouttes de pluie dans un jaune surnaturel. Être fleur, s’enrober dans sa beauté à moins que celle-ci ne s’empare de nous pour nous conduire toujours vers de nouveaux rêves de réconciliation... Ne le dites plus seulement avec des fleurs, écoutez leur parole! 




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire