Musée Marmottan, Paris
Jusqu'au 26 septembre 2021
Le sable, la mer et le ciel. Autant d'éléments sensibles pour la quête de la lumière sur cette plage de Skagen à la pointe septentrionale du Danemark. Et ce décor presque abstrait serait déjà suffisant pour définir cette « Heure bleue », cet instant instable où le soleil disparaît dans l'attente de la nuit. C'est à ce point du jour que Peder Severin Kroyer étudie les variations de ces landes lumineuses d'où émergeront des figures tour à tour réalistes ou rêveuses.
Né en Norvège, le peintre subira les influences du naturalisme lors de ses nombreux séjours à Paris à partir de 1877 puis celles, contradictoires, du symbolisme. Dès lors son art s'extrait de tout courant et se développe en toute liberté, en plein air ou à l'atelier, d'abord comme portraitiste puis comme peintre de paysage. Autant dire que Kroyer est l'artiste de l'indéfinissable, souvent aux lisières de l’impressionnisme, toujours au-delà de ce qu'il feint de représenter.
S'inspirant parfois d'une photographie, la figure pénètre la toile comme étrangère à l'espace qui la contient. A peine ébauchée, elle contemple, rêveuse, les modulations d'un ciel et des ombres qui la sculptent. L'heure bleue, celle qui donne son titre à cette première exposition monographique à Paris, en définit le cadre. L'accent est mis sur la lumière et ce qu'elle suscite comme qualité de silence quand la nuit guette le théâtre des hommes et de la nature à l'instant où il se vide. L'heure bleue est alors cet espace que Kroyer saisit à merveille, loin de cette peinture de salon à laquelle il s'adonna par ailleurs et de la célébrité qui l'accompagna. Cette heure à elle seule confère de l'éternité à cette peinture par les seuls mouvements de la lumière, les subtiles modulations de sa palette pour imprimer des traces de pas dans le sable ou suggérer des silhouettes à peines ébauchées sur les dunes.
Peder Severin Kroyer est le peintre du bonheur. Mais comme l'heure bleue, ce bonheur se teinte de toute une variété de touches imperceptibles, parfois empreintes d'une nostalgie pour un temps qu'on voudrait éternel et que, peut-être, seule la peinture pourrait immortaliser. Entre les vagues, des enfants nus courent et rient sous le soleil déclinant. Ailleurs, un homme seul contemple l'horizon. La peinture est toujours une histoire du regard. Mais dans les tableaux de Kroyer, le regard peine à accéder à l'autre. Le regard est prisonnier de ses propres songes. L'artiste peint alors un paysage pour exprimer cette vie intérieure et il peint aussi ce grand silence.
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