dimanche 1 août 2021

« Au-delà de la couleur. Le noir et le blanc dans la Collection Pinault »

 

Couvent des Jacobins, Rennes

Jusqu'au 29 août 2021







                   Peut-être l'exposition la plus passionnante de l'année en France tant par la qualité des œuvres présentées que par la pertinence de leur choix. S'interroger sur cet « Au delà de la couleur, le noir et le blanc dans la Collection Pinault » c'était se confronter à la domination chromatique dans l'histoire de l'art et révéler la puissance interne de ces « non couleurs » puisque, selon Newton, le noir marquerait l’absence du spectre coloré tandis que le blanc résulterait de son mélange. Le Musée des Beaux Arts de Rennes répond d'ailleurs à cette exposition, au même moment, par la revendication d'une « couleur crue » autour d'une trentaine d'artistes, lesquels démontrent que la couleur, au-delà d'une fonction symbolique et décorative, est liée intrinsèquement à la matière ou à la forme et qu'elle s'inscrit à la racine même de la nature ou de toute culture. Le débat est donc fructueux quand il s'agit, dans le Couvent des Jacobins, de définir l'art sous les auspices d'une disparition.

                      Que la couleur s'éclipse et c'est le nerf à vif de la création artistique qui se tend vers notre regard. Dans le jardin du cloître, deux stèles imposantes de David Nash se font face comme pour sceller ou défaire le lien entre le profane et le sacré. C'est le soleil noir de la cendre qui s'élève vers les cieux. Et cette couleur duveteuse et aveugle, faite de ténèbres inquiétantes, de mort ou de luxe et de perfection, se décline aussi bien en peinture ou en sculpture que dans la photo ou la mode. C'est aussi par ce mélange des genres que l'exposition parvient à nous faire saisir, physiquement et intellectuellement, le poids du noir ou du blanc quand ce n'est pas la légèreté de l'un ou de l'autre.

                  Chaque œuvre extirpe la force d'un symbole, la puissance d'un mythe ou la suffisance d'un préjugé. La non-couleur agit alors comme le révélateur de ce que la couleur a parfois pour fonction d'occulter. Associée à un autoportrait photographique en noir et blanc, la peinture blanche de Roman Opalka ne ment pas : elle inscrit le cycle de la fusion et de la disparition dans un même processus. Douceur ou violence, vie ou mort, réel ou imaginaire s’interprètent ailleurs en notes blanches ou noires dans une orchestration sombre ou lumineuse. Un piano repeint par Bertrand Lavier nous en restitue la pesanteur silencieuse. Preuve est faite que l'extinction de la couleur prête au monde une autre lumière. Dangereuses parfois, séduisantes ou envoûtantes, les vagues du blanc et du noir nous transportent sur d'autres rivages ou nous rejettent avec fracas vers notre quotidien. C'est ainsi que l'anecdotique ou l'actualité s'inscrivent aussi en noir et blanc dans la violence, par exemple dans le choc du coup de boule porté par Zidane à son adversaire et immortalisé dans une extraordinaire sculpture d'Adel Abdessened. Réunis par Jean-Jacques Aillagon, ce sont soixante créateurs pour plus d'une centaine d’œuvres qui nous entraînent dans leur sillage pour un périple d'ombre et de lumière.


                                           Maurizio Cattelan, Ali, 2007


                  

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