Le
mouvement « Support Surface » s'est constitué à la fin des
années 60 sur la volonté d'une pratique qui s'inscrirait sur la
matérialité de la peinture telle qu'elle s'énoncerait à travers
son histoire. Celle-ci suppose donc une idéologie et, de fait, se
définit comme discours. Et ce sont bien aussi des mots qui inaugurent
cette exposition « Sniper » de Noël Dolla, des mots
délivrant le stricte contenu minimal d'une balle qui traverse
l'espace comme son point final pour atteindre sa cible. Guerre, mort
et silence imposent alors la syntaxe d'une trajectoire que la
peinture ici énonce et dénonce tout à la fois.
Il y
faut calculer le recul, l'angle de visée, et, en corollaire, la
maîtrise du corps qui s'efface puis cette tension brutale qui se
relâche. Puis la détente. L'explosion. Et de l’autre côté,
l'invisible d'une disparition absolue. N'est-ce pas cela aussi l'acte
de peindre ? Noël Dolla peint donc ce geste d'un relâchement,
l'instant de la trace, ou, plus précisément, il le déploie en
exhibant les signes et les lignes qui le constituent . Des fils et
des boules colorées traversent l'espace comme pour figurer la
trajectoire des balles si ce n'est aussi la résonance d'un langage
qui s'apparenterait au morse. Des toiles ou des voiles structurent
l’ensemble et, aux murs, l'impact du tir, les fleurs de sang ou
« les fleurs du mal », ainsi que les définit l'artiste.
Des taches de couleurs éclatées et chacune d'elles épouse la forme
de l'iris d'un œil. Débris de chairs, éclaboussure du regard. Œil
du peintre ou du sniper. Œil comme perforation, trou, sexe, mort.
Tout se fait dans le coin de l’œil -in ictu oculi.
Dans
« Dits et écrits », Michel Foucault écrivait pour sa
« Préface à la transgression » : « La mort
n'est pas pour l’œil la ligne toujours levée de l'horizon, mais,
en son emplacement même, au creux de tous ses regards possibles, la
limite qu'il ne cesse de transgresser, le faisant surgir comme
absolue limite dans le mouvement d'extase qui lui permet de bondir de
l'autre côté. »
Noël
Dolla peint avec tous « ces regards possibles ».
Il y met de l'humour et de la colère, du silence et du sens
avec, toujours en ligne de mire, cette invisibilité qu'il lui faut
toujours débusquer. La grimace et le rire conjurent l'horreur. Et
l'arme ou le pinceau cèdent à la jouissance grand guignolesque de
l'arme fatale, l'ADWC.45, « l'arme à déboucher les
chiottes », l'outil de nettoyage pour projeter un peu de
couleur sur la noirceur du monde. L'éclabousser de rire plutôt que
de sang !
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