En
dépit de son apparence primitive et brute, l’œuvre de A.R Penck
témoigne d'une grande complexité et permet de multiples lectures.
Pourtant, qu'il s'agisse de peintures ou de sculptures, cette œuvre
révèle d'abord la puissance d'une personnalité et d' un
style qui agissent frontalement pour s'emparer de notre regard. Des
lignes, des signes, un rythme, tout cela compose un langage originel
comme si Penck énonçait ici, qu'avant toute grammaire, il y avait
cette dramaturgie épique où se jouait une préhistoire d'éléments
pariétaux, les ombres animales, les gestes doux de la cueillette ou
ceux plus tendus, de la guerre. L'artiste est alors un poète quand
nous percevons l'écho sourd d'une incantation primitive, quand les
mots se cherchent encore et que les formes commencent à éclore au
sortir de la nuit. Des ossements des êtres surgissent des fantômes
de lettres et un récit en gestation se dévoile alors au cœur de la toile.
L'exposition
que la Fondation Maeght consacre à l'artiste révèle la profonde
humanité de ce travail qui associe tout à la fois les rudiments
d'un langage et son irruption dans notre quotidien. Le graffiti est
l'écho d'un trait plus ancien et Lascaux devient ici le miroir
lointain des banlieues et des cités. Il y a de la déchirure, de la
violence, des corps réduits à des ombres, des croix, des cercles,
des triangles. Des mots jetés sur la toile, mais aussi des serpents
ou des flèches, le calme et la démesure. Dans les salles de la
Fondation résonne la trace de cette danse sauvage qui met en scène
ce face à face de l'artiste avec les balbutiements d'un monde qu'il
saisit à la gorge pour le représenter.
Il
y a bien sûr ici toutes les résurgences d'une vie quand Penck dut
fuir l'Allemagne de l'Est et le communisme, quand il dut renaître de
l'autre côté du rideau de fer pour une autre culture et d'autres
langages. Cette ouverture au monde, à partir des éléments les plus
simples et les plus universels, se réalise sans répétition, dans la
plus grande variété des techniques. Ce langage d'apparence si
pauvre permet d'exprimer toute l'intensité du monde ; il est un
éclair qui traverse l'espace et irradie le temps ; il est le
geste d'un démiurge ou d'un chaman qui psalmodie les formes et les
couleurs pour les rites d'une cérémonie grave et grandiose à
laquelle nous sommes conviés.
M.G
M.G
Saint-Paul, du 18 mars au 18 juin 2017
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