Galerie Eva Vautier, Nice
Jusqu’au 29 novembre 2025
Se promener avec la mer dans sa poche, la découper en morceaux et faire croire qu’elle serait plus certaine que dans sa réalité, tel est ce jeu de dupes en apparence incongru à laquelle Anne-Laure Wuillai nous convie. Ce serait en quelque sorte cette histoire absurde de l’enfant et la mer, le défi poétique de qui veut posséder et de celui qui est possédé… Aussi la mer - immense - mais désormais réduite à une peau de chagrin quand elle s’égrène entre les doigts de l’artiste, tour à tour eau et sable, débris argentés ou souvenirs de vagues mortes. Et qu’en est-il de l’artiste quand celle-ci, dans une démarche ostensiblement obsessionnelle, s’empare de la mer pour en extraire couleurs et particules ? Tel l’enfant rêveur qui découvre, imagine, construit ses châteaux de sable… C’est celui qui observe et sourit quand l’artiste reprend son geste et grappille des atomes de sable ou d’océan pour les enfermer dans son propre univers.
Cet univers c’est pourtant celui de la consommation et de la transformation marchande dans lequel nous évoluons et qui fonctionne en porte à faux avec le rythme de la mer et de la nature. Les structures de l’économie ne réfléchissent pas celle d’un ordre naturel et l’artiste est celui qui pense ce désordre, le proclame ou le chante. Anne-Laure Wuillai récolte, sélectionne, organise et transforme les molécules de l’océan tout en énonçant le système de la consommation de masse : sachets de plastique, objets désuets et magiques promis au rebut, présentoirs d’échantillons, vitrines ou cabinets de curiosité pour des collections qui mûrissent entre science et poésie.
La mer dans son mouvement infini désormais réduite à une collection d’éléments disparates, à des atomes de matière, à des atolls de sens. Elle s’impose ici dans sa mémoire, ses traces, ses objets dérivés jusque dans la dérive de l’imaginaire. Artifice des piscines aux formes alanguies, couleurs solaires de la solitude dans lesquelles on patauge dans une eau morte. « Bleu comme l’enfer » ainsi que l’écrivait Philippe Djian pour nos tristes paradis. Voici donc ces îlots de beauté et de laideur dispersés dans l’archipel du bronzage de masse, le rappel des cartes postales et de leurs bisous fatigués, les eaux aux reflets d’huiles solaires pour un éternel soleil couchant…
En creux, Anne-Laure Wuillai nous raconte tout cela. De simples objets et des classements en bon ordre pour mettre les mots sur les maux.














