Palais Lascaris, Nice
Jusqu’au 12 janvier 2026
Par sa situation stratégique au cœur de la Méditerranée, à quelques encablures de la Sicile et de la côte africaine, Malte fut, à l’instar de Rhodes, l’une des grandes portes maritimes de l’Orient. Et c’est dans le contexte des croisades que se développa l’Ordre de Saint Jean de Jérusalem et les familles nobles de Gènes, les Grimaldi ou les Lascaris, s’épanouirent à travers ces réseaux d’influence commerciales, politiques et militaires.
Construit au XVIIe siècle, le Palais Lascaris, dans l’étroitesse des rues du vieux Nice, témoigne de cette histoire puisque, en 1636, Jean-Paul Lascaris fut élu Grand Maître de l’Ordre de Malte. Sobre dans son extérieur, le lieu se dérobe à la lumière. De rares fenêtres diffusent une aura de mystère dans ce dédale de pièces au parfum baroque qui, aujourd’hui, renferment maints instruments de musiques et autres objets comme vestiges d’une gloire passée. Il y règne encore le trouble de l’aventure quand les temps se confondent comme les personnages qui l’occupèrent saisis désormais dans la confusion du réel et de l’imaginaire.
C’est ainsi que Jacques Ferrandez nous plonge parmi les méandres d’un récit palpitant dans le sillage de cette saga familiale avec le clair obscur de l’exaltation, de la grandeur et de ses ombres. Et le mystère de ce qu’il révèle de nos vies et de nos rêves. Auteur et dessinateur de bandes dessinées, il entame dans «Les Orients disparus», premier tome des aventures de Théodore Lascaris, une enquête sur cet homme énigmatique, héros fantasmé d’une odyssée à grand spectacle. Le Musée éponyme nous propose un parcours matériel pour illustrer cette œuvre. Des planches préparatoires, des peintures de Trachel, des documents et divers objets du quotidien répondent aux rebondissement et aux décors de la bande dessinée. Comme pour une réponse aux grands voyageurs du XIXe siècle, Chateaubriand, Lamartine ou Nerval dans le mythe d’un Orient fantasmé et l’idéal d’un ailleurs, Jacques Ferrandez reprend les codes de l’iconographie d’alors et s’inspire de la peinture orientaliste pour inscrire l’intrigue dans un rythme cinématographique. Action, sensualité et débauche de couleurs entraînent le lecteur comme le visiteur de l’exposition dans un voyage dans le temps quand à partir de Nice, le héros embarque pour Malte avant de rejoindre Napoléon dans la campagne d’Egypte, puis Palmyre, Alep, Beyrouth…
Autant d’escales pour cet homme somme toute insaisissable mais fascinant dans la recherche d’un idéal ou de lui-même parmi cette lignée tumultueuse des Lascaris. «Théodore», comme il aime se faire appeler en se prétendant descendant des empereurs byzantins, tour à tour, espion, séducteur ou témoin d’un monde disparu, est un homme de l’image à l’égal de l’auteur. L’image représente ici cet espace béant entre la vie et un rêve éveillé. Jacques Ferrandez la nourrit superbement avec les lignes et les couleurs de la mémoire et du désir, là où le réel se mêle à la fiction.
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