samedi 5 juillet 2025

Viallat, Charbonnel § 15 dessinateurs


Château Grimaldi, Cagnes sur mer

Jusqu’au 16 février 2026


                                                                    Agnès Jennepin


Des profondeurs du château Grimaldi jusqu’à ses étages, coule le noir et blanc du dessin avant que n’explose la couleur à son sommet en compagnie de Claude Viallat. Quinze dessinateurs lui font écho et s’organisent à l’ombre des sentinelles de bronze de Cristophe Charbonnel qui veillent, de leur autorité sombre sur des étincelles de braise et de cendre. Dessins qui surgissent d’un ciel, d’un ventre ou d’ailleurs pour écrire les contours du temps quand, à l’origine, il ne sont que flèches, traits et découpes avant de s’adoucir dans la rondeur. Et plus tard, une seule incision dans la chair du sang et de la couleur. Comme un nuage dans ce récit, une transition, avec un glissement en rouge et blanc pour une peinture de Sourav Chatterjee tout en drapés transparents dans la douceur des visages qui s’éteignent dans un ciel de sang.

Dans le sous-sol, tels des diablotins malicieux, des oursons en peluche et des petits bonhommes mènent leur danse joyeuse en noir et blanc dans ce petit monde, loin de ce qui se joue plus haut. Tel est le paradis du dessin pour Moya dans son origine du monde. Au rez de chaussée, voici Agnès Jennepin. Ici elle peint, magiquement, dans la nuit, le velours des plumes cotonneuses dans le rêve d’un envol. N’en subsiste que, dans un éclair blanc, les ailes amputées du désir et magnifiées dans l’éternité de l’instant où l’image se fige dans l’absence d’un corps et d’un ciel.

Plus haut, les fils du noir et du blanc s’entremêlent pour d’autres histoires, celles qui remontent des failles de l’enfance pour faire jaillir dans la trame du dessin, ritournelles, comptines ou autres contes entre acidité du rêve ou suavité du cauchemar. Audrey Quittet et Corinne Battista, s’exercent à ce jeu dangereux tandis que Victor Soren, dans une suite intitulée «Anatomie de la rupture», nous enferme dans son enchevêtrement de poupées de chiffon et de monstres pour un monde sans âme. Celui sans doute du geste rageur de Nasica quand il restitue les rumeurs de la rue et de la foule, tout ce qui se coagule dans la silhouette d’un animal écorché pareil à une crucifixion. Et bien sûr, Franta, le corps à corps amoureux ou guerrier, tout ce qui se joue dans l’incertitude de soi et de l’autre comme dans le feu de ses désirs, l’angoisse du silence ou notre solitude au monde. Nul autre ne sait alors aussi bien traduire les flammes de la passion ou de la douleur.

Puis Charbonnel et ses cuirasses de glaise coulées dans le fer. Graves, elles semblent veiller au-delà des siècles sur l’éternité. Sans doute protègent-elles des tréfonds charbonneux du dessin pour un ciel lumineux et cet avènement de la couleur que nous promet Claude Viallat. Mais celui-ci, à l’instar des grands peintres, renverse la table. Tout là-haut, il nous accueille dans une salle aux dessins colorés tels que nous les connaissons, avec cette ponctuation de signes identiques, osselets ou haricots qu’il décline depuis des décennies. Mais à côté, couleurs et formes se dissolvent dans le monochrome d‘un blanc et d’un noir. De la même manière, plus loin, il en exhibe des déchirures ou les organise en bas-reliefs. Formes et couleurs se cherchent, crient et s’épousent dans un geste sauvage. Songeant aux derniers Picasso, je lui parlais de cette radicalité soudaine et il me dit: «Vient un moment où il faut encore déconstruire mais après on ne plus revenir en arrière, au risque de ne faire que du joli

                                                                    Claude Viallat




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