Musées des Beaux-Arts Jules Chéret, Nice
Jusqu’au 8 mars 2026
Une peinture dans tous ses éclats
Peindre le Midi, c’est le plus souvent une affaire de perception quand il s’agit de capter le lumière et d’en restituer toutes les nuances qui sculptent la nature comme tant d’artistes s’y consacrèrent à partir de Cézanne et des impressionnistes. Pourtant, si Maurice Denis découvrit la Provence en 1906 et qu’il fréquenta Cézanne, Renoir et tant d’autres, il resta imprégné d’une formation plus intellectuelle héritée du primitivisme de Gauguin quand il fut le théoricien des peintres Nabis. Marquée par le symbolisme, sa peinture se réalise dans le souvenir du Quatroccento et de la Renaissance italienne avec ses larges aplats, la simplification de la couleur et une volonté de synthèse entre le matériel et le spirituel. Aussi, s’éloignant de l’imitation et de la description, Maurice Denis fut-il surtout célébré pour l’harmonie de ses vastes compositions décoratives.
Pourtant, dans les années 1920, alors qu’il est au faîte de sa gloire, ses œuvres de chevalet témoignent de scènes intimes associées à une nature parfaitement architecturée. Conçue en plusieurs séquences chronologiques, l’exposition niçoise nous livre une autre façon de percevoir la Provence et la Côte d’Azur. Elle est aussi l’ occasion d’affirmer l’apport de Maurice Denis dans l’art de l’entre-deux-guerres. Sa peinture est alors strictement cloisonnée par couleurs en aplats et les reliefs se succèdent en courbes et contre-courbes tandis que les arbres, cyprès ou mimosas, structurent le plus souvent un cadre dans lequel le thème familial répond à l’organisation du paysage. L’artiste, au fil de ce parcours, semble aspiré par l’harmonie d’un ordre idéal en recourant à des camaïeux de rose et de bleu pour exprimer douceur et transparence comme pour une aspiration mystique qu’il ne cessa de revendiquer.
Toute en sinuosités et en teintes suaves, la peinture de Maurice Denis apparaît aussi « superficielle » que profonde et c’est peut-être ce paradoxe qui donne le rythme de cette exposition. Il y a là un hiératisme des formes presque naïf dans ses modelés, des teintes douces mais éteintes, une transparence qui s’accorde à des scènes juxtaposées de femmes et d’enfants, de paysages édéniques et d’architectures strictes pour inscrire le récit d’une époque où, au lendemain de la première guerre mondiale, on chercha le réconfort des proches et d’un au-delà. Un portrait de Renoir que le peintre réalisa en 1913 ou un bronze de Maillol pour Marthe Denis, première épouse du peintre, illustrent cette volonté de sublimer le monde à travers une espérance artistique. Passionnante pour cette découverte d’un Maurice Denis plus intime que dans ses compositions murales, cette exposition, au-delà de l’expression de toute sensation, relate toute la sensibilité d’une expérience humaine dans une période où la peinture s’acharne dans son idéal de dire le monde. Ou de le célébrer.

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