samedi 5 juillet 2025

«Couleurs!», Chefs-d’œuvre du Centre Pompidou

 


Grimaldi Forum, Monaco

Jusqu’au 31 août 2025



Maculant un visage de teintes vertes en 1905, Matisse, avec le fauvisme, inaugure une nouvelle manière de dire le monde. A la suite de l’impressionnisme, la couleur impose son autorité et son autonomie par rapport au réel. C’est le début de l’art moderne. Et deux ans plus tard, ce sera Picasso qui révolutionnera formes et perspectives. La couleur donc. Impérieuse dans son pouvoir de traduire les émotions ou de transcrire les idées les plus abstraites, elle défie le réel et perturbe ainsi notre perception du monde.

Cette aventure de la couleur nous est ici racontée à partir de plus d’une centaine d’œuvres et nombre d’objets de design comme pour nous rappeler que la gamme chromatique est chargée tout à la fois d’une fonction ornementale, expressive et culturelle. Et que ces fonctions se croisent, se heurtent ou s’éprouvent différemment d’un individu à l’autre du fait de la puissance de l’impact sensoriel de la couleur. Aussi, répartie selon sept espaces monochromatiques, l’exposition conçue par Didier Ottinger se développe à partir d’un noyau central qui nous conduit vers des salles dans lesquelles, par des jeux de lumière, chaque couleur s’associe à une composition sonore du compositeur Roque Rivas réalisée avec l’IRCAM et à une ambiance olfactive créée par un «nez» de Fragonard, Alexis Dadier.

Pour cette exposition immersive, nous traversons des pièces perçues comme des lieux d’habitation où la couleur joue tout aussi bien de l’intime, de l’ornement que de la publicité. Puis nous voici saisis dans le flux d’un jaune ou d’un rouge avec, pour introduction, une série d’œuvres consacrées au cercle chromatique avec bien sûr le couple Delaunay ou un immense nuancier de 1024 couleurs de Gerhard Richter. Et c’est alors que, dans un vaste circuit, chaque teinte se développe à travers un portrait, une abstraction ou un paysage. Le bleu c’est l’envol pour Kandinsky, la qualité d’une profondeur spirituelle pour Klein, une traversée onirique pour Magritte. Entre couleurs froides ou chaudes, un jaune criard ou une tonalité plus sourde, nous évoluons à travers une floraison des plus belles toiles du Centre Pompidou.

Histoire de contrastes autant que de dialogues confidentiels, ce parcours se déroule dans les modulations d'une symphonie visuelle quand les mimosas de Bonnard palpitent à côté de deux corps renversés de Bazelitz dans une lacération de jaune. Haï par Mondrian parce trop lié à la nature, voici que le vert irrigue un portrait de jeune fille par Picasso et qu’il enchante les toiles de Chagall. Et il y a les couleurs adulées, les dangereuses aussi et celles aussi incertaines que le blanc et le noir. Et ce rose, triomphe de la frivolité et du mauvais goût qui se chante merveilleusement dans un lit peint par Philip Guston! Tout est prétexte à cri ou à méditation et l’on circule avec bonheur parmi cette floraison de silences ou de récits en compagnie des plus grands Maîtres de l’art moderne. Le rouge écorché d’un groom peint par Soutine ou la carnation verte d’une odalisque de Martial Raysse sauront déchirer votre regard et au terme de ce voyage coloré, vous verrez toujours le monde autrement. Et pour reprendre les mots de Didier Ottinger: «Contre les dogmes et les écoles artistiques, la couleur est l’outil privilégié d’une liberté, d’une affirmation de soi.»



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