Espace à vendre, Nice
Jusqu’au 29 novembre 2025
C’est après le sac de Rome et dans le contexte troublé de la Réforme qu’émergea le maniérisme en rupture avec l’idéal classique et le rationalisme de la Renaissance. Aujourd’hui l’état du monde impose de la même manière de nouvelles distorsions de la réalité comme pour autant d’aventures, non pour explorer le monde mais pour en extraire les « Zones grises » pour reprendre le titre des œuvres de Julien Griffaud. Pourtant, à l’injonction religieuse et moralisante d’hier répond désormais l’angoisse d’une morale écologique fondée sur la nature et non plus sur un au-delà.
Mais, pour l’artiste comme pour son frère Jérémy Griffaud, la nature n’est plus une simple création mais bien un autre au-delà toujours en gestation de par ses lois propres comme de par l’action des hommes qui eux-mêmes se transforment peu à peu dans les vagues d’un flux universel. Les zones grises de Julien se désignent comme celles de l’effet du pétrole et des mutations qui agissent sur notre monde. Un dessin suggérant une Piéta sans visage, saisie dans une multitude de plis pour un drapé rappelant l’excès de l’ornemental maniériste répond aux teintes caverneuses d’un jerrican qui, dans le dessin et face à lui, est repris par une composition en imprimante 3d. Les nouvelles technologies, leur capacité à dissoudre ou à recomposer le réel répondent à cette esthétique d’un autre temps quand, entre le Parmesan et le Greco, l’irrationalité se transpose dans l’irréalisme spatial, la superposition des plans et la distorsion des lignes.
«Sèves» est le titre donné par Jérémy Griffaud pour son exposition immersive dans «le château» de la galerie. Nous sommes imbriqués dans un environnement hybride quand le vivant est aux prises de l’artifice et que nous nous mouvons dans un univers liquide d’eaux stagnantes et d’un air contaminé par la couleur. Mapping, dessins numérisés, modélisés en 3 dimensions ou aquarelles nous plongent dans l’inconscient d’un monde déjà là, inaccompli, déjà en voie de disparition ou sur les traces de sa régénération.. Dans une précédente exposition au Musée Chagall, les êtres hybrides répondaient aux anges. Ici ils évoluent dans un jardin des délices ou des maléfices dans lequel l’artiste nous saisit d’une façon vertigineuse par ses couleurs acidulées et leurs contours baveux pour un séjour périlleux dans l’enfer ou au paradis.
Voici un art de notre temps. Il explore les viscères du dessin, de la peinture, des écrans et du décoratif dans lesquels se reflètent nos doutes et nos certitudes qui vacillent parmi les flux du temps. Les lianes du végétal s’emparent des regards et nous voici emportés dans un nouvel espace… Sommes-nous encore humains?