La Citadelle, Villefranche
Jusqu’au 23 novembre 2025
Autrefois peintre, Ryan Schneider composait ses toiles sans réelle perspective, jouant de la seule structure de la couleur brute comme pour renouer avec son fonds primitif. Désormais sculpteur, l’artiste californien né en 1980, se saisit de la couleur comme pour apaiser les plaies qu’il inflige à la matière. Il y en lui un chaman qui célèbre l’énergie spirituelle concentrée dans la matière et chaque entaille qu’il inflige au bois, à la pierre ou au bronze s’attache à faire rejaillir l’âme des éléments.
Disséminées dans l’enceinte de la Citadelle, plus de quarante œuvres se mesurent aux jardins, cours, chapelle et espaces intérieurs dont la minéralité répond à celle du désert californien où vit l’artiste. Même puissance, là où aridité et exubérance se conjuguent pour faire ressortir le feu et la cendre des forces telluriques dans leur relation avec le vent, les arbres ou les fleurs. A l’issue d’une résidence de deux mois à Villefranche, Ryan Schneider a créé une vingtaine de sculptures de pyrolite ou d’onyx, en bois de séquoia ou de pin pour des agencements en formes de totems pour inscrire le corps dans sa seule matérialité et sa communion avec la nature.
L’artiste dessine à la tronçonneuse. Il burine l’écorce du monde pour en extraire cette sève invisible qui l’irrigue. Celle que seul l’art révèle quand il sait répondre à cette nécessité impérieuse de faire surgir ces mystères auxquels se confronte l’artiste avant de leur donner forme. Aussi l’image du corps morcelé – doigts, bouche, œil ou dent – résonne-t-elle avec des rappels de masques en bas-reliefs dorés dans la mémoire de toutes ces civilisations du Mexique ou d’Asie qui se mêlent au cérémonial de l’Afrique ou d’ailleurs.
La main est ici l’arme du sculpteur. Dans la Citadelle, elle implore aussi le pouvoir magique des plantes et des fleurs, le regard du ciel et de la mer. Dans les jardins, une statue dans un bleu Yves Klein se marie à des fleurs couleurs de sang et à des vagues de verdure. Souvent les socles s’apparentent à des troncs calcinés sur lesquels des semblants de visages nous contemplent dans leur tranquille éternité. Artiste, Ryan Schneider écrit cette symphonie sculpturale et méditative à partir des grandes figures de l’art qui l’ont précédé. Corps déconstruits de Picasso, expressionnisme gigantesque de Baselitz, violence déconstruite de César et, surtout, tout ce qui s’inscrit dans les failles du primitivisme. Souvenir peut-être des bois sculptés de Gauguin, d’une aspiration à un idéal de beauté absolue dans la nostalgie d’ un paradis perdu…
Il y a chez cet homme-là toute cette puissance tellurique qui surgit impérieusement parmi les murs de la Citadelle. Et l’on comprend vite qu’à travers les mythologies qu’il convoque, aucune muraille ne saurait lui résister. A travers «Ceux qui nous guident», nous écoutons leurs messages gravés sur la pierre ou le bois. Ils nous observent silencieusement, figures sculptées dans le temps.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire