«Entre rêves et science»
Fondation Hartung Bergman, Antibes
Jusqu’au 25 septembre 2023
«Entre rêves et science», c’est cet instant où, au seuil du réel et du sensible, le geste de l’artiste rencontre l’imaginaire, se confronte à la matière et à l’infini dans la quête d’une totale abstraction. Cette passionnante aventure qui fut celle de Hans Hartung et de Eva-Anna Bergman nous est maintenant racontée dans la Fondation éponyme à Antibes.
Hans Hartung vient d’Allemagne. A 22 ans il s’installe à Paris et, plus tard, il combattra durant la guerre contre son pays et il y perdra une jambe. En 1929, il rencontre Bergman qui arrive de Norvège; ils se marient, s’installent à Minorque et tous deux se laissent absorber par la lumière méditerranéenne et la force tellurique qui pénètrent leur peinture. Mais neuf ans plus tard, ils divorcent. Pourtant quinze ans après, ils se retrouvent et se remarient. Ils vont alors édifier ces bâtiments qui deviendront la Fondation Hartung Bergman.
A flanc de colline, entre pentes d’oliviers et lumière crue, se déploie la blancheur géométrique de la villa et des ateliers du couple. A elle seule l’architecture cristallise cette fascination pour un espace lié au ciel, à la pureté des angles et au trouble de la couleur. Elle répond pour Hans Hartung à cette aspiration pour l’illimité tout en s’inscrivant dans une proximité avec les mathématiques ou l’astronomie. Comme Pascal, il se passionne pour «le silence éternel de ces espaces infinis», mais il peint ceux-ci avec fougue, en révèle aussi bien les lignes d’horizon que les profondeurs vertigineuses. Parfois la toile vibre d’une couleur quasi monochrome, parfois elle s’anime d’une explosion chromatique et d’un jet d’étoiles dans un ciel déchiré. Conservé à l’identique dans la Fondation, l’atelier du peintre témoigne de cette puissance créatrice par la confection d’outils incongrus et de dispositifs inédits pour une œuvre hallucinée dans sa volonté de saisir astres et trous noirs à travers des explosions graphiques tandis que l’artiste célèbre «le silence éternel» tout en s’assourdissant de la musique de Bach.
Cet espace cosmique fut aussi l’obsession d’Anna-Eva Bergman. Elle partage avec son mari cette fascination pour l’inconnu mais dans un cheminement plus méditatif aux confins de l’alchimie et d’une exigence spirituelle. Plus littéraire et venant de l’illustration, elle s’adonne davantage à des recherches sur le nombre d’or et aux courbes ou aux lignes épurées. Si l’horizon apparaît, c’est par la grâce d’un trait qui traverse la toile pour en dégager les plans de vide et de plein. La quête d’une harmonie fondatrice s’imprime sur une feuille d’or ou d’argent que l’artiste travaille dans ses aplats et dans la douceur de ses plis ou de ses aspérités. Avec Hans Hartung elle partage cette même attirance pour les profondeurs de l’espace mais de façon plus mesurée et intellectuelle en s’intéressant aux cosmogonies et aux grands mythes universels. Avec comme pour Hartung, la même admiration pour Fra Angelico dont elle percevait, disait-elle, «une piété cosmique».
L'atelier de Hans Hartung