Musée Granet, Aix-en -Provence
Jusqu’au 28 mai 2023
Comment interpréter le monde? Comme pour un ensemble symphonique, il conviendrait d’en détacher chaque instrument et chaque phrase mélodique pour en éprouver, par leur singularité, la complexité de l’univers dans son orchestration. Dans un espace pictural toujours renouvelé, David Hockney, du haut de ses 85 ans, ne cesse d’arranger et de déplacer lignes, couleurs et fragments, par un geste jubilatoire et malicieux, pour percer les mystères de la représentation.
Rendre compte du monde par la peinture, c’est le prendre à rebours et lui faire rendre gorge à travers un miroir brisé dont chaque éclat renvoie sa part de vérité pour prêter une visibilité à ce qu’il y a d’inconnu dans le plus trivial du quotidien. Par assemblages, morceaux de vie ou d’imagerie populaire, réminiscences de peintures anciennes, David Hockney se glisse dans les perspectives de Fra Angelico et les espaces morcelés de Cézanne ou Picasso, dans la couleur de Van Gogh ou de Matisse.
Dans l’exposition de la Collection de la Tate, ce ne sont pas moins de 103 œuvres – peintures, dessins, gravures et depuis 2010, créations numériques, qui relatent une exploration amoureuse de l’image. Corps et nature s’entremêlent dans une même ode émerveillée à la vie, à ses plaisirs et à ses inquiétudes. Après les années 50, à contre courant d’une peinture abstraite dominante, il quitte Londres pour Los Angeles et c’est alors la découverte d’un espace ouvert, d’une lumière crue et d’un ciel qui se confond à l’eau de ces piscines qui le rendront célèbre. Dans un style pop, naïf et coloré, David Hockney traduit un univers réduit à sa banalité heureuse tout en s’insérant dans la tradition de l’histoire de l’art, notamment à travers le thème du bain.
Mais l’histoire se déroule aussi au gré des technologies. A la tradition de l’huile, David Hockney à substitué celle de l’acrylique, et à la gestualité du peintre, il a opposé la confrontation avec l’écran et la traduction de l’image numérique. Désormais installé en Normandie, il multiplie ses envolées colorées dans une explosion chromatique qui se heurte à la fixité de la photographie qu’il retravaille sur l’Ipod. En résulte une nature dénaturée dont l’excès et la simplification rendent à la réalité ce surplus d’émerveillement pour un hommage inédit. David Hockney traverse le temps avec des yeux d’enfant qui ne cesse de grandir. Peindre des visages ou des paysages, c’est toujours dévisager, et savourer dans des teintes acidulées comme des bonbons, les délices de la vie.
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