Le LIFE, Base sous-marine de Saint Nazaire
Jusqu'au 2 octobre 2022
Lors d'une récente édition du «Voyage à Nantes», il y eut cette grandiose chute d'eau dévalant des corniches du Théâtre du XVIIIe siècle jusqu'à ses marches avant de se déverser dans un vaste bassin. Ce rideau cristallin devenait la métaphore de celui qui s'ouvre ou se ferme entre réalité et fiction. Aujourd'hui Stéphane Thidet récidive avec la chute d'un sable fin à base de coques de noix qui s'écoule dans les antres obscurs d'une ancienne base sous-marine. D'un lieu à l'autre, l'artiste poursuit l'exploration architecturale d'un site et de son histoire avec poésie tout en maintenant l’ambiguïté entre l'émerveillement et l'idée de chute.
Se mesurant à la puissance des éléments, l'artiste impose la force du paradoxe. Comme Rimbaud dans son «Bateau ivre», il recourt à la synesthésie, à la folle équivalence des couleurs et des sons ainsi que le firent Baudelaire et, plus tard dans le domaine musical, Varèse ou John Cage. Le rose est ainsi ce bruit fracassant qui résonne dans la lumière fluide d'une chute dorée. La charge émotive est à la mesure de la splendeur d'un paysage contrasté entre la violence d'un déversement et les vallonnements paisibles du sable. Mais au-delà de la fascination qu'un tel spectacle exerce, Stéphane Thidet s'attache au spectre de la lumière entre fréquence et énergie, là où pour les acousticiens le bruit rose s'approcherait de celui d'une cascade ou d'un torrent.
Superposer la nature à l’artificiel est l'enjeu d'une telle œuvre. De même l'artiste puise-t-il sa réflexion dans la brutale épaisseur de la base sous-marine et au sable qu'elle renferme. Et il n'occulte rien du mécanisme mis en place avec ses souffleries, ses moteurs et ses câbles. Une machinerie poétique répond aux jeux de l'illusion. C'est ainsi qu'un spectacle se joue dans le théâtre du réel et de l'imaginaire, là où l'ombre de la ruine rime avec l'incandescence du sable se déversant dans son torrent de braises. L'artiste nous transporte vers d'autres univers et c'est ainsi qu'en collaboration avec le CNES, il prépare une œuvre dans l'espace... Lumière et nuit de l'infini.