Carré d’Art, Nîmes
Jusqu’au 13 mars 2022
Il fut un temps où le Carré d’Art de Nîmes était ce lieu dans lequel s’épanouissaient toutes les tendances de l’art contemporain et, de sa collection permanente, on peut encore se réjouir des quelques œuvres de l’époque Support-Surface qui auront échappé à la volonté destructrice des responsables du Musée. Car lorsque on se risque à visiter les expositions temporaires, l’étendue du naufrage apparaît au point de susciter tristesse et dégoût. Mais la prétention bavarde de telle ou telle proposition n’est-elle toujours que le reflet de l’inculture de certains fonctionnaires de l’art qui lâchent leur métastases au sein des institutions publiques. Bien sûr pourra-t-on rire de «De vertical, devenir horizontal, étale» présenté par Emmanuelle Huynh et Jocelyn Cottentin ou de «Post performance video, prospective video1: Los Angeles» mais surtout quelle lassitude que d’entendre toujours le même discours prétentieux et de subir la répétition autoritaire comme un matraquage duquel aucune forme nouvelle ne surgit!
Pourtant parallèlement à ce vide et à ce jeu de massacre, une belle exposition présente cinq femmes artistes qui, sur plusieurs générations, invitent à la contemplation et à « un temps suspendu». «Suspension/Stillness».
Le minimalisme est ici de mise mais s’accorde avec un engagement politique sincère loin du brouillard sociologique qui pollue ce Carré d’art. Récemment décédée, Etel Adnan nous a laissé ici une peinture heureuse, d’une humilité parfaite tant dans ses formes que par la franchise des couleurs. Sa poésie tranche avec les grands discours creux. Avec une même rigueur mais dans de grands formats dépouillés, la peinture de l’américaine Suzan Frecon résonne de cet équilibre précaire quand l’œuvre joue de la fragilité à se dévoiler comme révélant pourtant les prémisses de sa disparition. Quant à Charlotte Posenenske, elle a en Allemagne, conçu une œuvre dans la deuxième partie du XXe siècle, inspirée par des formes anonymes et industrielles qu’il s’agit de reproduire librement. Sans doute est-ce là l’expression la plus aboutie de l’art minimal dans sa volonté de rompre avec l’idéal d’un symbole et du chef d’œuvre pour renouer avec une matérialité que chacun pourrait partager. On retrouvera la même authenticité chez Lili Dujourie mais sur d’autres supports et installations comme avec Trisha Donnely qui évoque une « situation sculpturale » sans pourtant matérialiser l’œuvre mais en l’approchant en creux par une large variété de matières et de médias. Des artistes peu présentées en France et contempler leurs œuvres n’apporte que du bonheur dans la désolation de ce Carré d’art, ruine de l’âme face à la grandeur romaine de la Maison Carrée.