lundi 20 décembre 2021

Yayoi GUNJI, "Mirror flower, Water moon"

 


Galerie Catherine Issert, St Paul de Vence

Jusqu’au 29 janvier 2022



D’emblée cette sensation troublante que cette peinture là, c’est elle qui nous regarde, qui nous absorbe dans la fluidité de ses formes et de ses couleurs. Et l’on comprend que ce n’est pas tant avec les yeux que cette peinture se construit mais plutôt par l’esprit et dans la souplesse du pinceau contrariée parfois par l’impact d’un point posé comme une tache ou par la sécheresse d’un trait: peut-être le souvenir de la calligraphie japonaise resurgit-il ici pour dévoiler les rudiments d’une écriture à l’origine de l’image.

Que nous raconte Yayoi Gunji sinon la trame d’un récit dont les éléments seraient encore disparates et dont l’essence même résiderait dans l’accomplissement de ce qui préside à ce morcellement? Les êtres, les fleurs, l’eau ou les arbres, tout est saisi dans une même fluidité pour une peinture qui reconstruit le monde sous le mode du silence et de la méditation. Le quotidien s’absorbe dans une rêverie vitreuse, les visages s’égarent dans un vertige de floraisons et d’objets solitaires tandis que des arbres labourent un ciel incertain. La peinture se dépose sur le papier ou la toile comme une buée sur laquelle la spontanéité du geste se confond à la lenteur de la décision qui le réalise.

Voici des paysages intérieurs avec des perspectives brouillées, des bouleversements d’échelles et toutes les incohérences qui disent le monde. L’artifice d’un bleu, d’un jaune ou d’un rouge. La fausse autorité d’une courbe ou d’une ligne. Ne reste que la couleur qui s’écoule ou se fige et alors le voile de brume qui enrobe la réalité se dissipe. La peinture saisit l’instant de cette éclaircie, ce soudain trait de lumière qui nous arrache de nos incertitudes et nous livre à la seule vérité du monde: sa beauté mise à nu et son mystère que seuls certains artistes savent exprimer dans le tremblement d’une révélation. Pénétrer dans l’univers de Yayoi Gunji c’est s’ouvrir les portes d’un paradis inquiet, par la grâce du trouble des sensations, dans les merveilles de la solitude humaine au milieu de ce foisonnement de l’univers. L’artiste parvient à rendre sensible la seule palpitation de l’image au moment de sa gestation. La peinture devient alors cet instant ou l’éphémère se marie à l’éternité.





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