La Malmaison, Cannes
Jusqu'au 24 avril 2022
Peindre la peinture. Au-delà du truisme, tel est l'enjeu de ces 37 œuvres que Fiona Rae présente à Cannes avec châssis et toiles dans l'alternance du noir et blanc ou l'effervescence de la couleur. Mais une peinture délivrée de l'image dont la présence n'affleure dans l’œuvre que par ses citations. L'artiste britannique, née à Hong Kong en 1963, fait partie de cette génération des « Young british artists » au côté par exemple de Damien Hirst. Elle reçoit le prix Turner en 1991 et devient académicienne de la Royal Academy et administratrice de la Tate Gallery.
De la peinture, elle ne retient que l'acte fondateur et son histoire. Délivrée de toute substance, l'objet du pop art se dissout alors dans la seule acidité de la couleur comme pour établir les frontières du bon goût et du kitsch. Les contours de l'image sont expurgés de toute narration pour libérer les relations du vide et de la figure sur l'espace arbitraire de la toile. La figuration se réduit alors aux seuls gestes méticuleux du jet de la brosse comme souvenir des débuts de Fiona Rae quand elle s'adonnait à l’expressionnisme abstrait. Rejetant désormais toute référence au corps, elle en relate ces seules traces formelles telles qu'on pouvait les voir chez De Kooning. Mais la spontanéité du geste est ici isolée par la précision radicale de sa représentation. De même retient-elle de l'abstraction la spiritualité des signes chez Kandinsky comme l'ébauche d'une écriture. Peintre de la citation, Fiona Rae parle en creux de l'accumulation d'images dans le monde contemporain. Mais seulement par l'indice des signes. Flèches, étoiles, plumes, tout évoque un envol ou un retrait pour traduire la seule présence de la pensée qui préside au tableau.
Par cet alphabet, la peinture diffuse les germes d'une écriture dans ses dernières œuvres à l'intérieur d'une exposition qui retrace les mutations des travaux sur le gris, le noir et le blanc de 2014 jusqu'à l'outrance colorée, presque psychédélique, de sa production actuelle. Simple et lisible dans son apparence, les effets de séduction de cet art sont toutefois retenus par l'aspect énigmatique de ses références. Il y a là quelque chose qui tient de la féerie mais, quand elle cite Shakespeare, on pressent le versant glaçant d'un drame. La trame alterne ce qui brille et le cotonneux. Les paillettes se figent dans un vide sidéral comme le vestige d'un jeu vidéo réduit à l'inutilité de la fulgurance des gestes et des couleurs.
Le style de Fiona Rae ne s'apparente qu'à lui-même. Frivole ou intellectuel, d'une perfection telle qu'elle déporte la tension de la beauté jusqu'à la grimace, ce style met la peinture à nu. Il en demeure ce conte mystérieux qui raconte notre présent avec son vide parmi les symptômes de l'histoire ou de nos illusions.
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