Galerie Eva Vautier, Nice
Dans l’art
contemporain, il est établi que le matériau choisi par l’artiste imprègne le
sens que l’œuvre diffuse. Aussi est-il, au sens strict, un signifiant qui l’irrigue
et la construit La matérialité de l’œuvre,
exempte de toute neutralité, est donc en elle-même le signe d' un engagement de l’artiste.
Elle renferme ce noyau d’énergie et de vérité en amont de toute représentation.
Or lorsque Nicolas Daubanes évoque l’univers carcéral, il l’énonce, par
exemple, à partir de carrelages prélevés
dans une prison. Mais arrachés du sol, puis exposés contre le mur de la galerie, ils agissent par leur
puissante frontalité comme un immense tableau réduit à sa seule intensité esthétique.
La signification de l’œuvre n’apparaît ici que par la connotation de la matière
qui contredit la forme. Un conflit s’installe entre l’apparence et la
signification, et l’artiste ne cesse de jouer sur ces confrontations de sens sur
le registre du quotidien, de la fragilité, de l’effacement. Des matériaux instables, dangereux, anodins,
très éloignés du champ traditionnel de l’art, portent cette voix.
Mais cette matière peut être aussi empruntée à
un domaine plus symbolique quand l’artiste créée des dessins à partir de
poudre de fer aimantée. L’idée de l’évasion avec les barreaux limés d’une
cellule devient le préalable à la fabrication de l’œuvre construite à partir de ces résidus. Il y a derrière celle-ci
une histoire abandonnée à l’imagination de celui-qui la regarde.
L’imagination est aussi une histoire de la liberté,
toujours menacée, revendiquée, évanescente. Elle implique par détour l’expérience
mentale et physique du narrateur qui s’en saisit de l’intérieur avec ses
objets, ses frustrations et ses désirs. Elle ne s’incruste pas dans l’anecdotique.
Cette histoire-là, quand elle parle de l’univers carcéral, elle désigne aussi
la condition de tous les hommes.
Michel Gathier
Du 14 octobre au 2 décembre 2017