Fondation Maeght, Saint Paul de Vence.
Le sempervivum c’est d’abord cette plante vivace qui s’accroche à la rocaille, défie les aléas du temps, se pare de formes hybrides et qui, pourtant, de par sa modestie, échappe au regard, Elle s’installe dans le déséquilibre tant elle semble se soustraire à ses racines… Sans doute est-ce pour cela qu’elle est « éternelle » à l’instar de cet espace mouvant que nous propose Pascal Pinaud à la Fondation Maeght.
Ainsi les œuvres d’art seraient-elles à l’image de cette existence biologique, par leurs développements, leurs relations conflictuelles ou dans leur surgissement accidentel. C'est tout cela que l’artiste ici propose, dépose, et expose à partir de prélèvements sur le réel qui s’appuient tout autant sur l’histoire de l’art que sur les modalités matérielles et humaines de son élaboration. Son lexique, sa grammaire, il l’empruntera à ceux-là qui l’inspirèrent: les Nouveaux Réalistes pour le culte de la récupération et des séries, les peintres abstraits, notamment ceux du minimalisme, pour le rapport à la distance affective qu’ils entretiennent avec le réel. Les références abondent mais restent toujours distancées, formulées dans une ironie discrète. Car Pascal Pinaud sait s’effacer mais toujours ,en bon stratège et à bon escient, pour imposer sa personnalité et son regard. Et ce qui domine alors, c’est l’extrême intelligence d’un propos qui maintient sa cohérence sans jamais sombrer dans la répétition ou l‘ennui.
Il faut dire que, d’une pièce à l’autre, entre des séries qui se toisent et entrent en conflit, dans une même salle parfois, le spectateur est pris dans un jeu dans lequel Pascal Pinaud définit subtilement, et non sans humour, les règles…
Et d’ailleurs qui est l’auteur? PPP? Le signe d’une PME pour Pascal Pinaud Peintre? Et de la figure mythique de l’Artiste qu’en reste-t-il quand il fait appel au collectif, quand il renvoie parfois la production à d'autres qu'à lui-même et qu'il s'amuse tout en rendant hommage à l’anonymat des pratiques les plus humbles, qu'il s'agisse du tricot ou la marqueterie? Ou quand il confronte l’artisanat populaire aux techniques industrielles les plus actuelles par la numérisation , la découpe du verre, le travail sur la lumière du néon ou les laques sur acier?
Pascal Pinaud avec jubilation contredit les supports avec leurs matières. De même brouille-t-il, sur une même pièce, les manières de faire et tout se concentre alors sur ce paradoxe: Le peintre, plus qu’il ne peint, désigne la position de la peinture. Dans sa présence physique ou dans son absence comme dans son histoire. La peinture se voit en quelque sorte détournée de son sens usuel, elle s’inscrit en trois dimensions, emprunte les détours de la sculpture; elle rebondit ou s’annule au gré des concepts qui interrogent le monde à partir de la question essentielle de la définition de l’artiste.
De cette œuvre multiple, conflictuelle, drôle ou grave, il en ressort cet extraordinaire choc plastique que le cadre de la Fondation Maeght renforce lorsque les pièces dialoguent avec Giacometti, Bonnard ou Chagall… C’est toute l’histoire de la peinture qui se vit , se formule et se formalise ici. Plus que jamais, la beauté n’existe que par le sens et la construction d’une hypothèse en mouvement. Elle n’est jamais donnée. Pascal Pinaud désigne ce trouble. En travaillant sur les marges de la peinture, il parvient, dans un même geste, à nous en fournir l'idée et à nous la faire voir.
M.G
M.G