Le Dojo, Nice
Entrer
au Dojo c’est immédiatement se confronter à un choc physique, par la sensation presque
tactile d’un espace saturé, par l’odeur du bois et, bientôt, à ce choc succède la désorientation :
le désordre mental s’empare de celui qui s’ aventure en ce lieu… Et cette expérience lui
permet alors de déconstruire à son tour ce bric à brac informel de bois brut, d’éléments
de marqueterie de tous styles et d’époques diverses. Ainsi le lieu se
dérobe-t-il au sens, devient-il contradictoire, sans repère, comme en attente d’implosion.
L’absurdité ici du bois, aussi
incongru qu’anachronique dans un
espace normalement dévolu au travail, au design et à la communication, se mesure à ce qui d’ordinaire
structure le lieu : des rangées de placard métalliques pour une
architecture blanche et froide. Mais là encore, voici que les rayonnages se
tordent, qu’ils jouent du déséquilibre et que la rationalité normalement de
mise dans cet open space créatif se trouve menacée par ces collisions et ces contresens.
C’est
ce grand écart ironique que met en scène Marc Chevalier dans un jeu performatif
qui se poursuit, de la récolte des encombrants, jusqu’à la création d’une
architecture improbable, précaire, instable, menaçante. L’œuvre n’est ici que l’instant
fragile d’une démarche qui nargue les notions d’utilitarisme et brise l’espace comme
dans un éclat de rire. L’humour guette : cette construction absurde ne
serait-elle pas l’image d’un autre versant, le reflet grimaçant de cet autre
côté du miroir, là où le travail réel s’élabore ?
Ainsi à « la chair des
ombres » -titre tout aussi hermétique que métaphorique- répondrait aussi bien,
par un chiasme ironique, « l’ossature de la lumière ». Car si l’espace s’opacifie, des méandres de
sens tissent pourtant de subtils réseaux comme seul éclairage, à travers lesquels nous tâtonnons tout en nous y heurtant comme condition pour un
autre regard, pour un rapport nouveau à
ce qui nous socialise ou nous désocialise.
Cette
forme de clair-obscur, de double sens, serait donc ce conflit inhérent à chaque
structure. Ainsi toute proposition serait-elle réversible, soumise à cet
imperceptible point d’équilibre à partir duquel tout peut s’effondrer. L’humour
et l’absurde sont d’implacables machines à disséquer le réel.
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