samedi 7 octobre 2023

Simone Simon, «Au rythme du paysage»

 

Galerie Eva Vautier, Nice

Jusqu’au 2 décembre 2023



La beauté revendiquée


C’est bien à un mystère de l’espace que l’idée de beauté toujours se mesure quand cet espace semble se dissoudre en même temps qu’il se charge d’une autre substance que nous peinons à définir. On pense alors à cet éblouissement quant à la beauté d’une femme que Stendhal traduisit par «Ce fut comme une apparition». Ou ce même trouble pour la beauté de l’art, à Florence, quand il écrivit: «J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux-Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi.»

Comment l’image peut-elle traduire cet épuisement sinon par cette mise à nu de la photographie de paysage telle qu’elle surgit au détour des photographies de Simone Simon? Le paysage n’est pas la nature mais bien la construction d’un cadre dans lequel agissent nos désirs et nos sens. Au XIXe siècle, la peinture de paysage se chargeait déjà de cette humanité aussi bien avec Courbet qu’avec l’impressionnisme. Or la photographie souvent ne saisit que l’instant et c’est donc par le biais du pouvoir de la peinture que Simone Simon traque la beauté d’un paysage en exacerbant les conventions d’une esthétique particulière, par la fluidité des couleurs, la rectitude brutale d’une ligne d’horizon, le modelé des vagues, l’absolu de la rencontre de la mer et du ciel. Les sensations éprouvées se développent alors au sein de l’image et le paysage s’accorde aux fluctuations du temps. Il bat au rythme de ses pulsations dans la seule vérité de sa présence. La beauté est cet instant de saisissement.

Cette traque de la beauté, Simone Simon la poursuivit autrefois comme photographe de mode avant d’en explorer son essence dans le quotidien, celui des corps et des présences sociales et politiques. Désormais, «Au rythme du paysage», elle écrit les contours des plages cotonneuses, des ciels mouillés et des soleils brouillés. A moins que ses photographies ne s’en emparent dans un jeu d’artifices, de bleus incandescents ou du trouble d’un espace velouté dans lequel on se blottit comme dans un bonheur retrouvé. La photographe traduit alors, par le simple déplacement de l’appareil, ce balbutiement de l’image entre le réel et l’imaginaire, ce cadre qui est aussi une vitre à travers laquelle nous percevons nous-mêmes notre idéal de paysage, celui qui se reflète secrètement en nous et qui nous ressemble.

Sur un mur, une vidéo se projette au centre d’une photographie comme pour la perturber par des stries qui la déchirent et la reconstruisent. Mouvements des vagues encore et toujours le souffle du temps qui efface tout en y laissant sa trace. Et à l’étage de la galerie, c’est une autre vidéo, celle de Linda Sanchez invitée dans le cadre du festival OVNi, l’histoire tout aussi poétique et troublante d’une goutte d’eau. Partout une même ode à la beauté qui dépasse le visible comme une revendication pour une éthique du regard.

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