Depuis 20 ans, la Villa Cameline, au gré de ses expositions, s’est attachée à explorer toutes les facettes de l’art contemporain. Et les contraintes de l’architecture tourmentée de cette «maison abandonnée», avec son espace morcelé, ses murs parfois ébréchés et leurs couleurs fanées, ont toujours marqué le travail des artistes qui l’investirent. Pourtant, comme pour célébrer cet anniversaire, la villa semble soudain se métamorphoser en s’imprégnant des œuvres d’Amandine Maillot. Il ne s’agit plus tant désormais d’exposer que de contaminer le lieu, de lui insuffler une autre vie et voici que l’espace transpire alors d’une mémoire oubliée, de fluides organiques et d’étranges dispositifs pour laisser place à une pratique artistique qui s’empare de la maison comme d’ un corps pour une existence réinventée.
Dans de multiples supports, Amandine Maillot ne cesse d’expérimenter toutes les hypothèses qui nous relieraient à toutes ces vies invisibles qui couvent dans la terre, l’eau ou l’air. Elle utilise le dessin, la céramique, le verre, la photographie, la sculpture et pourtant chacune de ces pratiques et matières semble demeurer en suspens, toujours dans l’attente de cette autre chose répondant à l’incertitude inquiète et intrinsèque de toute forme de vie. De cet événement un avènement se formule. Ainsi circule-t-on d’un univers à l’autre et c’est toujours cette idée de passage qui organise l’ensemble de l’œuvre.
Délicatesse et fragilité, équilibre instable, porosité du minéral, du végétal et de l’humain, tout se trame ainsi entre nuages de coton, ailes de libellules ou de papillons, branchages ou porcelaines brisées. Et toutes les hypothèses se confondent quand, à ces dernières, l’artiste associe des citrons qui jonchent également le sol. Or ceux-ci sont tellement réalistes qu’on oublie qu’ils sont issus de la seule porcelaine. C’est alors l’énigme de la vérité, le tremblement subtil entre l’illusion et le réel, le souvenir de Zeuxis, ce peintre de l’antiquité qui peignait si bien des raisins que les oiseaux venaient les picorer.
Ainsi tout n’est que théâtre et décor. Et l’univers se confond à un cabinet de curiosités. Partout des cadres dorés, des ampoules qui contiennent des nuages, un mobilier comme une excroissances des corps. Fauteuils, lits ou guéridons sont autant de prothèses à partir desquelles se déploient de féeriques robes en fragments de porcelaine blanche ondoyant comme les écailles des peaux de serpent.
Artiste ou magicienne, Amandine Maillot recompose le monde et le guérit. Sur un socle de troncs d’arbres brûlés, elle dispose la dorure métallique du circuit d’un ver de terre à l’intérieur du bois. Elle glane de modestes fragments comme autant de signes de ce qui nous rattache au monde et elle nous montre que tout cela ne tient qu’à un fil. Une feuille, une trace à peine déposée, elle les cueille dans le geste d’un recueillement. Il faut alors circuler d’une pièce à l’autre, égrener une à une chaque œuvre jusqu’à ce que dans les plis et replis de cette maison, une voix mystérieuse nous parle de l’art, de la vie, de nos angoisses et de nos bonheurs.
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