Musée des Arts Asiatiques, Nice
Jusqu'à la mi-mai...
Shu Lea Cheang
Voici une exposition qui restera vraisemblablement invisible au public puisque, devant s'achever le 16 Mai, elle ne pourra être présentée du fait des contraintes sanitaires et des lueurs sombres que celles-ci diffusent dans le monde d'aujourd'hui. Et pourtant cette double exposition que proposent le Musée des Arts asiatiques de Nice et OVNI objectif vidéo, témoigne de cette actualité saisissante tant elle met en scène la notion de pouvoir, son omniprésence mais aussi sa forme invisible par lequel il se renforce. Plus que jamais, l'art est ici un engagement, un contre-pouvoir qui explore la force de l'image et extirpe du réel le poids des préjugés et des stéréotypes.
Le Collectif Mai Ling regroupe depuis 2019 des artistes viennois dans une volonté activiste de défricher les clichés, poncifs et autres fantasmes relatifs à la femme asiatique dans la culture occidentale. A travers la figure fictive de Mai Ling créée par l'humoriste allemand Gerhard Polt en 1979, se dévoile non seulement l'image d'une femme réduite à la condition d'un animal de compagnie, mais aussi tout ce qui joue dans ce regard pour tous les aspects de la vie quotidienne. Vidéos, lettres fictives ou enregistrements, tout contribue à ce brouillage entre la réalité et le fantasme. La fiction s'empare du réel et Mai Ling, icône muette et désincarnée, dépouillée de toute substance, parsème sa trace sur les œuvres du musée par des cartels décalés comme autant d'interrogations sur le regard et les préjugés que nous portons sur l'extrême-orient. Et le spectateur s'implique dans cette polyphonie participative où se dissolvent les constructions mentales qui tendent à nous aveugler.
Parallèlement, Shu Lea
Cheang, née en 1954 et qui représenta Taïwan lors de la
dernière Biennale de Venise, propose « Virus en devenir ».
Titre d'une brûlante actualité pour une œuvre forte qui jette une
lumière crue sur les enjeux économiques et culturels d'une crise
sanitaire. A l'intersection du numérique, de la biotechnologie et de
la science-fiction, l'artiste nous entraîne dans un monde
artificiel, déshumanisé où le pouvoir se résume au slogan d'un
spot publicitaire : « Votre plaisir Notre business ».
Perfection du meilleur des mondes quand la technologie s'affiche dans
la beauté morte des formes idéales et du flash des couleurs
réduites à la violence d'un néon nocturne. Dans ce monde là, le
corps n'est plus de mise, il n'est que la prothèse des désirs qu'on
lui assigne. Shu Lea Cheang nous plonge dans un récit dont la trame
se nourrit de vidéo, d'installations et d'une sculpture 3D figurant
la « Red Pill », pilule miraculeuse d'un monde sans
miracle. Celle-ci est le produit d'un bio-réseau, GENOM Co à
travers lequel les personnes échangent leur ADN tout en contribuant
à renforcer ainsi le pouvoir du réseau. Contagion virale et
contrôle des corps agissent dans un même processus et l’humanoïde
n'est alors que la mémoire d'une humanité déchue.
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