Villa Cameline / Maison abandonnée, Nice
Jusqu’au 28 juin 2025
Dès l’entrée, l’espace est saturé, comme enlisé dans la poussière du temps. Contre les murs des objets se bousculent dans le désordre d’un cabinet de curiosité. Ici l’horloge s’est arrêtée, le silence s’abat sur le désert des choses pour nous confier son histoire… Ou faire semblant. Car par d’innombrables fragments - cartes, photographies, ossements ou objets non identifiés - c’est bien un récit qui éclot à l’instant même où il se dissipe. Et qu’on le prenne au début ou à la fin, qu’importe puisque nous sommes pris dans un jeu de miroir par lequel le réel se confond à l’imaginaire. Aurélien Mauplot, avec gravité, s’amuse des désordres du monde et de toute identité: Est-il le narrateur ou le héros, l’artiste ou le romancier, l’explorateur ou le lecteur? De même les chronologies se confondent-elles et, d’une métamorphose à l’autre, l’histoire claudique entre fantômes et maison abandonnée, océan Pacifique et mondes imaginaires que le narrateur étudie avec le sérieux de l’anthropologue, de l’archéologue et de toute autres sommité des sciences.
Puis l’espace s’allège, des boursoufflures de plâtre sur les murs ou de peintures écaillées se parent de taches d’or quand des réminiscences d’atolls ou des déploiements d’archipels se devinent comme dans une cartographie incertaine. Donc des personnages, un capitaine de navire, une femme Giulia, une île inconnue de Polynésie, un volcan éteint, un chef de village Oriata et le tout au XIXe siècle mais une redécouverte aujourd’hui quand personnages et temps se culbutent puisqu’une boussole n’indique plus le nord et que l’artiste lui-même se raconte dans l’imaginaire de ses véritables résidences d’artiste en Italie ou au Chili qui se confondent avec l’illustration du récit.
La Villa Cameline se transforme alors en un immense palimpseste dans lequel des strates de récit se découvrent pour se transformer en nouvelles aventures. Le monde est un labyrinthe dans lequel je est un autre. L’art est un leurre. S’y aventurer c’est risquer de soi-même se dissoudre dans les traces de cette réalité illusoire ou de ces illusions réelles. Vertige de la perception, Grandeur et misère de la vérité. Aurélien Mauplot nous entraîne dans le sillage de ses eaux troubles au cœur d’une troublante histoire de l’art revue et corrigée par Jules Vernes, Conrad…L’enquête continue, de nouvelles pistes apparaissent... Élémentaire mon cher Watson!