jeudi 22 mai 2025

«Vertigo», Fondation Carmignac

 


Île de Porquerolles

Jusqu’au 2 novembre 2025



Il y a le ciel et la mer et tout ce qu’une île peut délivrer d’un paysage. Mais celui-ci est mouvant et ne se laisse jamais absorber dans une simple image. Il résulte d’une rencontre entre qui le perçoit et l’éprouve et une nature multiple, tumultueuse qui répond à l’œil ou à l’esprit du poète ou du peintre. Mais l’art ne saurait s’asservir à rendre fidèlement la copie du réel si bien que cette rencontre s’apparente à une expérience pour détricoter les mailles de l’apparence, un «vertigo» donc, une aventure par laquelle l’artiste se confronte à la transparence de l’air, au ressac des vagues, à la brûlure du soleil à moins qu’il ne se laisse emporter par le vent. Cet état physique de qui se mesure à l’atmosphère se donne à voir, au seuil de l’invisible, dans cette exposition pensée par Matthieu Poirier dans l’architecture de la Fondation Carmignac entre pierres, mer, oliviers et herbes folles.

Les œuvres présentées résultent de ces états où la conscience se modifie de telle sorte que la représentation du monde se craquelle au point de se dissoudre dans une pure abstraction. Voici donc un voyage déstabilisant qui nous entraîne dans les sillages de l’art abstrait des années 1950 jusqu’à aujourd’hui. Une Odyssée du regard entre ombres et lumières qui s’ouvre sur un déluge de pigments dans une nébuleuse colorée de Flora Moscovici, «A la poursuite du rayon vert». D’emblée le ton est donné, les portes de la perception s’entrouvrent pour laisser place au trouble, à l’effervescence des sensations et à l’immersion dans un monde sans repères. En plusieurs chapitres, l’exposition nous mène vers des contrées qui nous emportent successivement dans l’esprit des forces telluriques, des mondes sous-marins ou de la seule atmosphère, là où toute représentation nous est interdite. C’est donc bien une histoire de l’art qui est ici en train de s’écrire entre les peintures de feu et le bleu d’Yves Klein, une condensation lumineuse d’Hartung ou l’intrusion dans un univers parallèle par le trouble déroutant du rouge et noir de James Turrel. Les phénomènes s’éprouvent alors dans leur instabilité, vagues, nuages, couleur pure, illusions… Se dissoudre dans les voyages brumeux de Thu Van Tran, ou les résonances hypnotiques d’Oliver Beer, autant de nouvelles expériences pour s’immerger dans le seul monde des sensations.

Pourtant au-delà des magmas et des brumes, il existe cette abstraction rigoureuse de la ligne et de la couleur. L’univers se saisit alors dans la seule incandescence d’un trait, la perfection d’une courbe, le cisaillement de l’espace. Uns sculpture d’Artur Lescher nous le rappelle comme une toupie qui nous désorienterait en restructurant l’espace entre pointes acérés et ombres portées. Sous un plafond d’eau, une sphère jaune de Jesus Rafael Soto rayonne de ses pleins et de ses vides comme un soleil réduit à un pur objet pour une méditation sur l’énigme de la matérialité et de l’énergie qu’elle diffuse. Une cinquantaine d’œuvres d’artistes internationaux ponctuent ce parcours initiatique qui se poursuit dans les jardins… Sensations encore, vertige toujours.






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