Espace de l’Art Concret, Mouans-Sartoux
Jusqu’au 22 février 2026
Il arrive que le titre d’une exposition fournisse la clé d’une œuvre en résumant les orientations qu’elle déploie au fil du temps. L’œuvre d’art se livre dans sa singularité mais, pour Gottfried Honegger, il fallait surtout qu’elle s’infusât dans toutes les mailles de la société, qu’elle s’accordât à un double idéal esthétique et d’émancipation pour éclairer le monde. L’artiste souhaitait cette résonance de l’art par l’usage d’un vocabulaire simple, directement accessible par l’impact du blanc ou de la couleur, par le dénuement du signe ou de la matière pour que chacun puisse en éprouver un désir de spiritualité face à l’illusion consumériste.
Il s’agira donc de toujours s’impliquer dans une démarche pédagogique, de s’adresser à la pensée plutôt qu’aux émotions et de ne jamais privilégier la subjectivité pour que l’œuvre d’art reste plurielle et puisse s’adresser à tous. Honegger fut aussi collectionneur et voulut que son action ne restât pas solitaire mais qu’elle se situât dans le contexte de l’abstraction pour imposer la souveraineté du concept.
Né en 1917, Gottfried Honegger fut d’abord graphiste et perçut la publicité comme un vecteur social. Au fil de l’exposition, on s’aperçoit que dans sa pratique artistique, l’objet peu à peu se dissipe, que la perspective se contracte pour laisser place au seul jeu des lignes et d’une couleur pure. En contrepoint d’une abstraction lyrique et gestuelle qui domine dans les années 50, il revendique le refus de toute subjectivité pour l’idéal d’un langage universel. Il reprend les principes de l’art concret théorisés par Theo Van Doesburg en 1930 en s’attachant à la rigueur d’un système que l’imaginaire ne saurait dévoyer. A cette austérité répond néanmoins l’autorité plastique d’une œuvre qui délivre immédiatement son message par la simplicité de ses plans et la monochromie pour seuls matériaux d’une construction de l’espace.
Cependant l’œuvre ne cessera d’évoluer parallèlement aux apports de la science et des systèmes informatiques. Et le «pluriel» ce sera aussi la relation aux autres artistes qui s’exerce dans la quête d’un même idéal de rigueur géométrique. Gottfried Honegger a su les collectionner et, dans cet Espace de l’Art Concret qu’il créa en 1990, il s’attacha à présenter la diversité des approches tant dans la peinture que dans la sculpture et l’émergence de nouvelles techniques. «Du singulier au pluriel» réunit ainsi les œuvres de Max Bill, Marcelle Kahn, Ad Dekkkers, Richard Paul Lohse, Aurélie Nemours, Jan J.Schoonhoven pour une même célébration de l’art comme une ouverture au monde et à la connaissance.