lundi 3 février 2025

«Luxe, calme et volupté»

 


La Malmaison, Cannes

Jusqu’au 20 avril 2025



Avec une surface d’exposition triplée à l’issue de sa rénovation, la Malmaison de Cannes s’affirme désormais comme une destination phare de l’art contemporain. Emprunté à une œuvre de Matisse et à L’invitation au voyage de Baudelaire, le titre de l’exposition «Luxe, calme et volupté», nous entraîne sur un passionnant périple au rythme de la couleur. Et là, les êtres ou les paysages s’inscrivent, selon les mots du poète, dans «Les soleils mouillés/ De ces ciels brouillés» dans toute la beauté de l’incertitude quand les artistes l’explorent pour en dévoiler la trame. Peintres d’hier ou d’aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 56 artistes qui s’inspirent du Midi, avec la douceur d’un intérieur pour Matisse ou la violence tellurique d’un paysage avec Axel Pahlavi. (photo ci-dessus)

Sous le commissariat d’Hanna Baudet et d’Amélie Adamo, les 129 œuvres présentées proposent une traversée des grands courants artistiques du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Elle s’ouvre sur le mythe antique d’un âge d’or et d’une plénitude originelle avant de se poursuivre au premier étage sur l’idée d’une fenêtre ouverte sur le monde. Et celle-ci, à l’instar de Matisse, est un passage entre l’intérieur et l’extérieur, l’intime et l’espace d’où surgit la lumière. Les vastes balcons dans leur vue plongeante sur la Méditerranée s’associent à des œuvres dans lesquelles la mer répond au ciel dans l’intensité du bleu. Dans une peinture de Vincent Bioulès, des feuillages surgissent dans le stricte cadrage d’une fenêtre tandis que de cette croisée se diffuse le jaune solaire des mimosas sur une toile de Cristine Guinamand. En de subtiles gammes bleutées, un délicat pastel de Thomas Verny reprend cette thématique de la fenêtre comme pour une élévation vers l’azur.

Pourtant l’espace demeure en résonance avec les êtres qui s’y lovent dans leur rêverie ou s’en évadent à travers un livre. Fenêtre sur un monde intérieur, le tableau représente alors ces zones de silence qui s’installent dans les failles du dessin et de la couleur. Le port de Monaco peint par Claude Monet traduit cette perception par laquelle la lumière s’empare du ciel, de la terre et de la mer jusqu’à les réduire à une brume légère et dorée. Ailleurs au contraire, le corps triomphe, sculptural chez Cézanne ou bien structurant l’espace d’une composition de Charles Camoin. Il se multiplie dans une multitude de personnages qui se confondent au paysage dans la sérénité des gestes et les touches mélodiques des coloris pour l’enchantement d’une «Noce» peinte par Philippe Pradalié. Parfois le corps brise l’espace dans les œuvres de Daniel Clarke à moins qu’il ne se dissolve dans la violence d’un arbre dont la sève brûlante surgit de sa gangue verdâtre comme une éruption de vie chez Ronan Barrot.

Les scènes d’intérieur et des paysages du Midi ponctuent ce vaste parcours qui se prolonge à l’étage supérieur. Corot, Renoir, Dufy mais aussi nombre d’artistes contemporains déploient leur univers, parfois fantastique avec Martial Raysse ou Nazanin Pouyandeh, parfois dans l’hyperréalisme pour Adrien Belgrand ou Thomas Lévy-Lasne. Tour à tour, stridente, déchirante, la couleur jaillit dans les paysages hallucinés de Patrice Giorda. C’est dans le dernier étage qu’elle triomphe près du ciel et qu’elle trouve son autonomie en s’écartant du motif. Cette quête de la lumière s’impose superbement chez Gérard Traquandi où le bleu et le jaune se diffusent et disparaissent mutuellement dans une pure abstraction. Ces visions issues conjointement de l’histoire de la peinture et de la Côte d’Azur où tant d’artistes s’installèrent trouvent ici leur accomplissement. Le visiteur est maintenant convié à suivre leurs pas, à vivre leurs découvertes, à s’immerger avec eux dans le bal de la lumière.



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