Le HAB Galerie, Nantes
Jusqu’au 2 octobre 2022
C’est dans l’ancien Hangar à Bananes à Nantes qu’un lieu de production se superpose à celui de la conservation. L’artiste allemand Michael Beutler, né en 1976, reste fidèle à cette volonté d’inscrire une architecture en contrepoint et en contretemps avec l’espace qui l’accueille. Un jeu de miroir entre un vaste volume de béton et un assemblage hétéroclite, fragile mais fonctionnel, introduit de façon ludique une nouvelle perception sur la relation entre une architecture, son histoire et l’espace environnant.
Comme un clin d’œil aux anneaux de Buren qui ourlent les bords de l’Estuaire de la Loire, là où se trouve le Hangar, Michael Beutler n’intellectualise pas ce rapport de l’architecture à l’espace mais joue de la mémoire du corps par le biais du travail artisanal et collaboratif. Avec une quinzaine d’étudiants de l’École d’Architecture, il a «bricolé» des machines relatives à la fabrication, étape par étape, du papier. Le lieu d’exposition s’offre alors comme un socle de socialisation, une étrange usine aux matériaux pauvres et disparates pour une machinerie néanmoins efficace puisque, au terme de «plonger, puiser» et autres mouvements corporels, de vastes voiles de papiers aux couleurs pastel se répandent dans l’espace. La trace musculaire des corps s’y inscrit dans un instant d’humilité.
Et ce n’est pas tant le produit fini qui importe, nonobstant la splendeur des vagues déployées, que le processus de fabrication qui se lit à travers ces dispositifs fonctionnels et pourtant si éloignés d’une esthétique industrielle. Le travail apparaît alors sous forme d’orchestration et le répertoire égrène ses fausses notes superbement élaborées, entre hasard et nécessité d’une production collective et efficace. Avec ironie, Michael Beutler construit une œuvre qui est aussi une réflexion sur l’art et sa finalité: Qui produit de l’art? D’où vient-il? Quelle est sa matérialité? Autant de questions qui prennent corps par la présence d’outils dérisoires, planches et cordes, pour un processus pourtant particulièrement méthodique de broyage, trempage et séchage. Désigner ce processus c’est écrire le cheminement d’une œuvre.