Il y
a là comme un fil rouge à tirer, un chemin à tracer dans la
confusion de l'extérieur et de l'intérieur, d'un espace tendu de
tarlatane , de points et de couleurs. Mais aussi du rappel d'un éphémère
passé dans une construction spatiale présente mais tout aussi
éphémère...
Dévidons
donc l'écheveau de ce temps, et pourquoi pas, allons très loin, vers cet
instant où la peinture tend à se fixer dans un sens, dans une rationalité
qui nous conduira jusqu'à Matisse. Et puisque Dolla lui-même évoque
Giotto, retournons en 1306 quand Giotto achève sa « visitation »
dans l'église de l'Arena à Padoue. Devant un vaste pan d'un bleu
Klein uniforme, se détachent parmi des personnages isolés, deux
femmes enceintes, Marie enceinte de Jésus et sa cousine Elisabeth,
enceinte de Jean Baptiste. Quelques siècles plus tard, Noël Dolla
investit le ventre de la Galerie des Ponchettes où résonnent encore
les souvenirs de quelques grand noms de l'histoire de l'art. Histoire
d'enfantement dans la couleur et l'aléatoire de la forme.
Mais nous savons que l'accidentel porte sa part de rationalité et
c'est ce que l'artiste ne cesse de scander, en peinture, depuis les
années 60. Risquons donc l'hypothèse folle, s'il s'agit de hasard
et d'inconscient, qu'en investissant ce lieu clos et sans fenêtre
mais agrémenté de voûtes à l'égal d'une chapelle, se joue ici un
accident du temps et de l'espace et qu'une forme de « visitation »
se joue, scénographiquement, dans la rencontre fortuite de deux
éléments à la fois complémentaires et opposés: l'intérieur et l'extérieur.
Noël Dolla a revêtu les cloisons de larges pans colorés mais
ceux-ci sont structurés par des bandes de tarlatane qui, à l'égal
de pansements, sont censés recouvrir les fissures des parois . Il y
a là l'écho d'une plaie, d'une cicatrisation, d'une inquiétude sur
une naissance à venir, sur la création qui advient au terme des
noces de la couleur et de la forme. Le lieu se structure du fait de cette
tension qui s'exprime aussi par un rapport contradictoire au temps.
En
effet cette construction extrêmement intériorisée, présente pour
la durée d'une exposition et à vocation éphémère, devient le
réceptacle d'une série d'images qui font parfois penser à ce fil
narratif qu'on rencontre souvent dans les églises pour un récit édifiant. Mais ici, nulle
autre figure que la puissance de la nature que signe l'artiste. C'est
ainsi que les bandes de tarlatane, légèrement ourlées de couleur, nous
conduisent vers ce qui fut un extérieur, une nature reconstruite, une séries d'actions
picturales sur la montagne, l'eau, la plage, la roche, la neige...
N'en subsiste que l'image fixe de la mémoire photographique. Ainsi
s'égrènent dans un désordre aléatoire ces notes à la fois
renaissantes et perdues. Elles ne sont pas disposées comme des
peintures qui s'offrent au regard dans une galerie mais elles
essaiment leurs représentations mortes dans l' exubérance de l'action du
peintre qui ensemence le lieu par la couleur.
Car, pour le peintre, c'est la couleur qui donne naissance au monde.