MAMAC, Nice, du 24 juin au 15 octobre 2017
Dans
un livre admirable, « La forme d'une ville », Julien
Gracq développe ce lien biologique qui le relie à un espace
urbain, à son climat, quand celui-ci devient la matrice d'une
expérience créative. Il s'agissait de Nantes mais, dans un tout
autre contexte, c'est cette même forme substantielle qu'on
retrouvera au cœur de cette aventure que le MAMAC nous propose avec "A propos de Nice".
Découvrir
le court-métrage d'Agnès Varda consacré à Nice lors de cette
exposition c'est entrer dans toutes ces images qui déchirent les
clichés, c'est se heurter au hiatus entre population allogène et les
migrants de luxe, les touristes qui y inscrivent leurs traces et la
façonnent. On se souvient alors que Varda fut la compagne de Jacques
Demy et qu'on y parla beaucoup d'amour et de bonheur et que le
cinéaste caressa dans son film Lola, une lumière grise et triste dans
le rêve lumineux de sa ville natale, Nantes.
« A
propos de Nice », titre emprunté au film de Jean Vigo qui
déchire au scalpel le rêve de Nice en faisant jaillir sa folie
sombre comme sa beauté, nous propose cette même aventure humaine,
cette consubstantialité entre l'artiste et la ville irriguée par la lumière de la Côte d'Azur. Cette aventure
s'inscrit dans ce roman de cette Ecole de Nice dont on ne cessera
jamais assez de souligner les méandres multiples et hasardeux mais
qui, tous pourtant, se rattachent à cette lumière et à cette instabilité
particulière entre montagne et Méditerranée.
Une exposition dont
on suit les filaments, les lignes de crête ou de rupture comme autant d'instants
d'une aventure humaine qui éclot au lendemain de la dernière
guerre mondiale dans une rage de liberté, une soif insatiable de recréer le
monde. Les uns se projetteront dans un rêve quasiment mystique où
l’absolu se heurtera à la trivialité de l'objet et de la
consommation. Il y a Klein, Arman, Raysse, Gilli, Malaval... Les
autres interrogent ce monde, dynamitent les frontières entre l'art
et la vie avec Ben, Filiou... Ailleurs c'est la déconstruction de
l'art et de la peinture pour des perspectives nouvelles avec
Supports-surfaces et le mouvement 70 : Dolla, Viallat, Dezeuze,
Cane et Isnard, Miguel , Charvolen...
Ce
parcours mis en scène par Hélène Guenin et Rébecca François se
savoure comme un roman dont on tourne les pages avec ravissement.
Les rires, les espoirs et le les tourments de ses héros s’emparent
ici d' une consistance physique intense et chaque chapitre se resserre autour
d'une tension qui est celle d'un rêve et de sa création. Un voyage
donc, facétieux et lumineux, dans cette ville où bat encore le cœur de ce rêve-là.