mercredi 22 septembre 2021

Gregory Forstner, "Lollipot"

 


Galerie Eva Vautier, Nice

Jusqu'au 6 novembre 2021





Peut-être pour sa charge symbolique et le lien qu'elle établit ente nature et culture, la fleur apparaît dès les formes les plus anciennes de l'art. D'abord ornementale, elle s'ouvre par la suite à la composition des natures mortes et des « vanités » avant qu'Edouard Manet ne peigne des bouquets pour leur seule frontalité et leur vitalité nue ou que Morandi ne les éternise dans le silence somptueux de la peinture. Mais c'est une autre existence que leur accorde Gregory Forstner en les faisant éclore chez Eva Vautier comme aussi au Frac de Montpellier, ville d'accueil de l'artiste après un séjour de 10 ans à New York, ainsi qu'au « Suquet des artistes » à Cannes où il peint « Le soleil brûlant sous les paupières fermées ».

Juste un titre : « Lollipot ». En anglais « sucette » ou autrement, ce qui désigne un dispositif expérimental à partir d'algues vertes, la lumière blanche, la chlorophylle et la botanique. Et dans cet écart flottant du sens, Gregory Forstner, adepte de la nage en eau libre, déclare que le confinement l'a privé de son élément de prédilection, l'eau, et qu'il lui fallait renouer avec la puissance du geste, l'humilité du motif et brandir l'icône ringarde du bouquet de fleurs comme un défi aux récits de la modernité ou plus encore, à l'idée d'enfermement.

Les compositions florales surgissent souvent ici dans un format monumental inédit. Elles naissent à partir d'un vase tel une bulle d'air dans un environnement liquide. Les tiges s'élèvent de cette origine-là pour éclore dans l'éclat des pétales. La couleur s'imprègne des nuances de la douceur et de la violence. Tour à tour épaisse ou diluée, elle revendique sa puissance à dire le monde par elle-même en défiant les stéréotypes, en osant montrer que la vérité de la fleur c'est avant tout celle de la peinture dans son essence même. Eau, transparence, élévation, éclosion, matière, disparition, tout est là, absorbé dans le seul espace de la toile. Nous connaissions les fantasmagories de Grégory Forstner, l'imbrication de l'animal et de l'homme pour des fables inquiètes et voici que désormais il s'immerge dans le seul élément de la peinture. Il écrit: "Comme la peinture et la mer qui peuvent être mauvaises mais ne déçoivent pas (...) Le ventre de l'océan dans les dents. Lorsque je nage, je ne sais si c'est l'air ou l'eau que je respire (...) Au sommet de la langue, une sucette se dresse. L'ascenseur est fragile."

Peindre c'est alors nager en eaux troubles, faire l'expérience de la sensualité quand tout remonte du fond du corps comme le ferait la fleur qui se hisse hors du vase et de l'eau pour s'offrir dans la seule nudité de la peinture.


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