Centre d'Art La Malmaison, Cannes
Jusqu'au 14 novembre 2021
L'art africain d'aujourd'hui reste pour nous trop souvent ancrée dans les notions d'artisanat ou dans l'affirmation de l'identité d'un continent. Or, loin de ces stéréotypes, en écho à l'exposition « Désir d'humanité » au Musée du Quai Branly à Paris, l'artiste camerounais Barthélémy Toguo décline toutes les gammes de l'universalisme par la rencontre de l'humain et de la Terre. Né en 1967, il s'initie à l’art en copiant des sculptures classiques européennes avant de s'ouvrir à l'ensemble des médiums par lesquels il déplie les relations entre un espace physique et le temps qui l'absorbe. Participant à la Biennale de Venise en 2015 et finaliste du prix Marcel Duchamp en 2016, Barthélémy Toguo est aujourd'hui une figure majeure de l'art africain.
Pourtant, l'artiste résidant tout à la fois à Bandjoun au Cameroun, à Paris et à Düsseldorf, ne parle pas tant de l'Afrique que des crises subies par les hommes sous le poids des différences et des conflits dont l'histoire s'écrit aussi dans les méandres d'une œuvre d'art. La dérive des continents est celle d'une fracture humaine. Il nous montre que cette tragédie s'inscrit aussi dans notre relation à la nature. Écologie, économie, politique et sciences sont le fruit d'une mémoire mais aussi d'un engagement que l'artiste réactive à travers toutes les facettes de son art.
L'exposition se présente comme un environnement, un espace où fusionnent peintures, sculptures, céramiques et installations pour clamer la présence aveugle de l'humain dans toutes les strates de l'univers. Le corps esquissé, balafré, noyé, est l'élément récurrent de cette géographie de l'Homme. Souvent monstrueux, revêtu d'une brume organique, il se pare de tentacules végétales qui lui confèrent pourtant la beauté troublante d'une naissance. Car la fluidité de l’aquarelle, la douceur d'un lavis rouge ou vert leur accordent cet espoir d'une réconciliation entre les cultures humaines et une nature sacrifiée. Des unes ou de l'autre qu'en est-il des frontières physiques ou mentales quand nous appartenons tous à une même chaîne ? Dans « Urban requiem », Barthélémy Toguo dissémine des sculptures de tampons géants en bois, rappels de la statuaire africaine mais surtout signes d'un pouvoir administratif qui donne quitus ou qui exclut. Ainsi en va-t-il des frontières comme pour tout ce qui sépare. Aussi les mots dans leur rudesse se rapportent-ils à l'apparence des choses : Ici en allemand, ils fusent comme des slogans sur les estampes affichées aux murs, « Ausweiss », « Staatsgrenze ». Autant de marques d'autorité imprimées sur un tampon par lesquelles l'humanité se dissout.
Maladie du monde, maladie du corps. Tout dans un même processus de la menace ou de la guérison. Dans « Autoportrait en confinement », l'artiste présente une série de lavis et pastels gras sur papier qui se confrontent à des vases en porcelaine de deux mètres de haut figurant des corps humains. L'ensemble joue de l'ambivalence de la gestation et du pourrissement, avec des formes organiques suggérées, des couleurs aqueuses ou sanguinolentes pour dire la violence et les épidémies. «Vaincre le virus », tel est le titre donné à ces vases comme s'ils contenaient tout l'espoir et la foi en l'humanité que l’œuvre de Barthélémy Toguo diffuse avec éclat et délicatesse.
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