mardi 18 juin 2019

Alain Fleischer, "L'image qui revient"



Par son implication dans le réel et l'interprétation qu'elle en donne, l'image est une forme de l'imaginaire par lequel nos consciences et le monde se construisent. Alain Fleischer en est le poète. Il use de toutes ses potentialités à partir d'une réflexion sur sa matérialité et sa relation au sensible. Ce jeu s'ouvre alors à toutes les fantaisies pour peu que l'image soit saisie au plus près de sa source chimique, dans le bain de la pellicule là où la figure surgit ou bien dans le négatif qui précède  la projection. Photo, vidéo ou cinéma, tous les dispositifs travaillent à piéger l'image, à la faire parler autrement par le rebond de l'ironie ou de la poésie. Tout est mis en œuvre pour en faire ressortir le caractère illusionniste, non pas à travers une démarche intellectuelle ou théorique mais par le plaisir de l'expérimentation et pour les effets d'émerveillement qu'elle suscite.
Aussi Alain Fleischer décline-t-il dans les salles du Musée de la Photographie des séries d’œuvres très diverses qui illustrent cette « image qui revient » comme l'énonce le titre de l'exposition. Retour aux composants originels de l'image qui, par effet de miroir, proposent un autre regard sur sa construction et ses leurres. Toute une gamme de dispositifs astucieux désorientent le spectateur. Les pales d'un ventilateur mettent l'image en mouvement ou bien, à partir d'un algorithme monstrueux, des cactus ou des canapés se métamorphosent en créations hybrides et s'emparent de l'espace. Ailleurs l'artiste reprend avec sensualité des corps nus féminins de la peinture classique pour les replacer dans un autre contexte et une autre lecture qui, toujours, traquent les pièges de l'image et, par glissement, dévoilent son négatif, un sens inédit, une beauté mystérieuse.
Alain Fleischer s'empare de tous les recoins de l'imaginaire et de nos mythologies pou réinventer la vie. Il aime le risque, l'aventure et pour lui, le ratage même, peut se muer en miracle. Il exacerbe un clair obscur par des éclats de lumière ou des ciels ténébreux, il se refuse à de plates superpositions d'images mais ne répugne pas à projeter celles-ci sur un corps pour qu'elles s'enlacent au vivant dans un récit fascinant. Tout à la fois, photographe, cinéaste et écrivain, l'artiste défriche ses rêves en inventant de nouveaux mécanismes, en ne s'interdisant rien. Le poète reste celui qui explore les terres inconnues. 


Musée de la photographie, Nice                                  Jusqu’au 29 septembre 2019

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