Quentin
Derouet laisse dans son sillage l'image du parfum de la fleur. Elle
se dépose comme la trace d'une écriture qui imprègne la toile et, puisque
l'artiste s'empare de la métaphore poétique, on peut oser dire
qu’il l’arrose de la rose et de son essence incendie les sens.
Mais l’œuvre florale a évolué, elle n'est plus seulement une
empreinte qui se fane avec le temps, elle tend désormais à se
saisir de l'espace.
« Au sud des nuages » est le récit de sa rencontre avec
la Chine quand l'artiste s'établit pour quelques mois dans la plus
grande roseraie d'Asie dans le Yunan. Sans doute se laisse-t-il
envelopper par cet espace autre et une culture où la notion
d'écriture se mêle intimement à toutes les variations de la
nature. Aussi Quentin Derouet présente désormais un travail plus
orienté vers les grands formats, l'idée de séries. Et, là où
l'artiste privilégiait le dépôt résiduel de la fleur infusée, le
voici qui désormais inscrit la résurgence du signe, sa ductilité
immatérielle pour écrire cette poésie saisie avant que les mots ne
la recouvrent. Il écrit alors : Trente millions de fleurs par
an, je n'utilise que leurs déchets, leurs roses non calibrées ».
Sans emphase, peut-être même sans s'en soucier, l'artiste s'est-il ainsi pénétré de cette «Connaissance de l' Est » pour reprendre
le titre des plus beaux poèmes de Claudel sur la Chine. Tout y est.
Cette relation du plein et du vide, cet effleurement de la toile par
la couleur mais aussi le flamboiement du signe perçu comme un
éclair, une entaille dans l'espace, une brèche dans laquelle
s'engouffrent émotion, sensualité et brides d'un discours
inaccompli saisis dans une homogène totalité.
Le
poète pas plus que le peintre n'aime déclamer. Il lui faut
l'humilité pour la démesure du silence et la sourde respiration de
l'espace. Il lui faut déposer les armes, se mettre en retrait de
l’œuvre, laisser sa voix se nourrir des caprices de la nature.
Il
écrit : « Entre deux éclaircies, il pleut sur mes toiles
qui sèchent dehors, le violet se dilue et les roses de demain
éclosent ».
L’œuvre est un murmure, une hésitation. Il
faut savoir l'écouter une fois que les yeux se sont fermés dans
l'instant fragile où la rétine porte encore la trace diffuse de
qu'elle a imprimé. Les toiles de Quentin Derouet révèlent cet
interstice quand le réel et l'immatériel se cristallisent dans un temps
suspendu.
Galerie Helenbeck, Nice, du 16 mars au 2 juin 2018
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