Exposition collective, Le Dojo, Nice
Jusqu’au 2 décembre 2022
Se confronter à la page blanche d’une toile ou d’une feuille, c’est toujours pour l’artiste se mesurer à ce qui se trame en amont de la création et à ce qui prélude à l’image. De ce réservoir à désirs et à fantasmes, les réseaux inextricables de l’imaginaire exercent leur tension dans l’intimité du sujet pour s’en libérer par la force du dessin. «L’intime du vide» est cet exercice de recouvrement par lequel huit artistes proposent leur propre conception de la forme quand elle surgit au détour de cette nécessité d’exprimer une intériorité, d’«accoucher une image». Or celle-ci résulte non seulement d’un fond inconscient mais aussi d’une culture, d’une histoire et de codes auxquels l’artiste tour à tour obéit ou se confronte.
Le dessin est ce lieu originel sur lequel se dépose cette charge mentale. Le noir et le blanc en absorbe au plus près la trace qu’elle soit dans le développement des lignes ou des courbes, dans des effets d’effacement ou par l’épaisseur du fusain. C’est dans le velouté sombre de celui-ci et dans l’insertion de l’empreinte des corps que Yannick Cosso répond à son interrogation: «L’espace de la feuille de papier serait-il plus intime que celui qui entoure ton corps?» A l’inverse ce sera la frontalité trouble d’un visage qui surgira des dessins de François Paris tandis que ceux de Steve Di Geronimo s’apparentent à la fois à un objet et à une cible. Réalisés avec une extrême méticulosité, ce sont alors des visions déroutantes tant elles paraissent plus vraies que dans leur existence réelle. Mais ne serait-ce pas un vide sidéral qui en résulterait?
La couleur est aussi ce qui irrigue le pouvoir du dessin. Pour Béatrice Lussol, elle se répand, comme extraite du corps dans ses fluides et ses plis. C’est alors un paysage organique et sexuel qui se construit à partir d’une intériorité physique qui s’empare du vide dans l’écoulement des sillons d’aquarelle. Dans une même douceur dangereuse, transparente et acidulée, Makiko Furuichi distille sa poésie du conte et de l’absurde tandis que Ingrid Maria Sinibaldi impose les cernes volontaires du dessin avec humour pour traduire la violence du réel. C’est avec détachement que Céline Marin collecte des images pour les rassembler dans un surréalisme joyeux. La narration peut alors s’inscrire dans le fil du dessin. Mais le récit peut aussi lui échapper et c’est ce que raconte Maxime Parodi dans l’intrigue de ses mises en scène. Si la nature a horreur du vide, l’artiste au contraire aime s’y perdre ou bien y trouve les ressources d’une liberté jubilatoire.