Pirelli Hangar Bicocca, Milan
Jusqu’au 24 juillet 2022
Qu’une artiste déclare «Je sculpte de l’air» et l’on subodore une œuvre qui échappera à toutes les frontières et conventions qui définissent le concept même de l’œuvre d’art. Anicka Yi est née en 1971 à Séoul et vit à New York. Elle nous rappelle que si l’art nous propose un regard sur le monde, celui-ci relève autant du mental que du visuel. Dessiner l’invisible, le traduire en formes est cette gageure de l’artiste comme un défi au bon sens et aux normes qui le régissent.
Il faut avouer que pénétrer dans cet univers nécessite patience et abandon de toute idée préconçue. Nous voici alors, à travers une vingtaine de pièces hybrides, sculptures aléatoires, vitrines lumineuses et assemblages divers qui se disputent à leur environnement, transportés dans un espace autre. Celui qui met en scène notre propre corps dans l’ensemble de ses sens et qui se trouve dérouté par des structures gonflables, des matières peu identifiables mais aussi des parfums et des dispositifs qui relèvent de la science-fiction. De cet apparent capharnaüm entre art, science et philosophie, surgit l’idée d’une germination liée à la déconstruction ou au pourrissement. Là où aussi le vivant se mesure à l’intelligence artificielle dans une épopée biologique dont nous serions la matière invisible. Tout ici n’est que paradoxe et labyrinthe et, de surprise en surprise, on se prend à y croire, à planer dans les écosystèmes, à éprouver le vide biologique, à expérimenter un autre monde où tout se lirait en termes de variation, de température, dans l’abolition de l’animal et du végétal…
Quelle prouesse que de parvenir ainsi à brouiller les codes pour initier de nouvelles perceptions! Encore faut-il en accepter le principe en s’arrimant à la folle créativité de l’artiste qui joue de tous les possibles et de tous les stratagèmes pour piéger la sagacité du visiteur. «Metaspore» est ce néologisme qu’Anicka Yi utilise par référence aux spores comme unités cellulaires qui se reproduisent par elles-mêmes. L’art est aussi ce métalangage du biologique. Poésie, science, matière et pensée, tout est lié dans le désordre ordonné de l’univers.