L’espace à vendre, Nice
Jusqu'au 30 avril 2022
Au hasard de l’art
Du grand bazar de l’art surgissent des formes. Éclectiques ou conventionnelles, sages ou provocatrices, celles-ci répondent à une idée qui est supposée leur préexister. L’intention de l’artiste restera toujours dans ce rapport à ce vaste catalogue d’images et de matières auxquelles tour à tour il se confronte ou se rassasie C’est là, dans une neutralité ironique, que Gilles Barbier puise, au hasard, des fragments de tous ces possibles pour les organiser en séries et en extraire des œuvres dans la seule autorité de l’arbitraire.
Un stricte protocole suffit à dévoiler tous les composants d’une peinture qui d’ordinaire s’inscrit sous les auspices de l’inspiration ou de la spontanéité. Gilles Barbier défie et défait ce cadre. Il dispose tous les éléments d’une architecture dont il suffit d’aligner les matériaux pour penser le dessin et, si la peinture est désormais morte comme on le proclame souvent, encore faut-il en subir le retour comme mémoire ou comme fantôme. Avec humour mais toujours dans la rigueur d’une perfection plastique, il présente deux grands formats dans lesquels l’illusion de la photographie s’accorde aux coulures spontanées d’une certaine peinture. Là se révèlent deux superbes drapés fleuris avec les trous noirs du regard des «Fantômes hawaïens». L’éternel retour se heurte au rictus de la beauté.
Dans une autre série, «Ce qui est sorti du chapeau aujourd’hui», Gilles Barbier travaille encore le dessin et la gouache sur papier pour extraire à chaque fois d’un chapeau des formes de toutes natures, inconciliables entre elles si ce n’est que par l’exigence d’une grande qualité d’exécution. D’un cadre à l’autre, ce n’est pas un récit qui se construit mais le seul constat du déroulé d’un travail que le temps inscrit dans sa matérialité. Le contenu, qu’il soit d’inspiration géométrique, hybride, mou, référentiel, importe peu pourvu qu’il soit un échantillon, un pur rappel de la tradition artistique. Mais ici l’art est chosifié dans un vaste dépotoir. Et comment l’imagination et la règle pourraient-elles s’accorder dans cette décharge sauvage quand elles prennent l’apparence de la sagesse?
Gilles Barbier est l’artiste des tours et des détours. A l’image d’un magicien qui s’amuserait à confier au préalable à son public les stratagèmes grâce auquel il le manipule. Mais les mots à l’instar des formes dans un dialogue impossible hantent ce qui s’expose et demande à se dévoiler. Aussi dans la série «Lettres aux extraterrestres», l’artiste dévide les balbutiements d’un langage issu de l’irruption des formes nouvelles qu’il produit en retour. La rencontre est audacieuse comme celle du rire et du désespoir. Et Gilles Barbier nous entraîne dans le sillage d’une œuvre joyeuse et grave où l’imprévu est de mise. La règle défie le hasard sans que jamais ni les images ni les mots ne l’emportent. L’œuvre reste ce livre ouvert. Mais que doit-elle dire?
Voir aussi:
https://lartdenice.blogspot.com/2021/08/gilles-barbier-travailler-le-dimanche.html
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