Musée Réattu, Arles
Jusqu’au 15 mai 2022
Il y avait l’été dernier, sur la fontaine de la Place Royale surplombée par la statuaire antique de Neptune au cœur de Nantes, cette étonnante installation sculpturale de l’étrave d’un navire charriant hors des eaux les remugles de l’histoire d’une ville mêlés au souffle de l’antiquité. Ce «Voyage de Neptune» résumait alors les préoccupations d’Ugo Schiavi par cette confrontation du contemporain avec les canons de l’antiquité mais aussi sa volonté d’inscrire l’œuvre en relation avec un lieu et son histoire.
L’archéologie s’accorde à l’étymologie quand à la racine des choses ou d’un site répond celle d’un mot. «Gargareôn», de son origine grecque désigne la gorge et par extension la gargouille. Ugo Schiavi s’empare de celle-ci dans le Musée Réattu en Arles, établi dans l’ancien Grand Prieuré de l’Ordre de Malte. Passé et présent se contaminent alors mutuellement tout à la fois par un dialogue subtil et une déflagration de sens pour penser l’histoire à partir des collisions de matières et de formes. A la gloire passée des statues, des ornements architecturaux et de leur symbolique, l’artiste oppose le pouvoir de l’actuel, de l’hybride, la fragmentation du monde, les déchets, le plâtre, le béton ou la résine. Il fait littéralement rendre gorge au décoratif, aux discours allégoriques et à leurs normes pour mettre à plat les transformations qui s’opèrent au sein de l’espace public ou du musée.
En dépit des apparences, il ne s’agit pas là d’une nouvelle esthétique des ruines mais plutôt d’une construction à partir d'un conflit inhérent à la notion d’Histoire. Décombres et formes nouvelles surgissent d’un seul et même mouvement et Ugo Schiavi en prélève les indices dans cette machinerie du temps pour les greffer sur les mutations de leur lieu d’apparition. Des moulages de figures antiques côtoient de nouvelles chimères comme pour nous alerter sur la fragilité des certitudes, de celles qui ne vivent que le destin des mots et des choses quand l’oubli se dispute à une relecture avec toute sa part de fiction. C’est celle-ci que l'artiste écrit comme un miroir incertain du monde d’aujourd’hui. Et si l’art contemporain était ce point de convergence mouvant entre le réel et l’imaginaire?