Maison abandonnée (Villa Cameline), Nice
Il
existe des œuvres que l'on considère différemment parce qu'elles
suscitent un autre regard, qu’elles nous contraignent à réévaluer
notre compréhension d'un monde asphyxié sous le poids des mythes,
des masques, des attentes folles et des friches affectives. Gérald
Panighi dessine en creux ce monde-là ; il en extirpe des loques
de silence qui se veulent des mots, des lambeaux de phrases ou des
espoirs morts jetés dans la vie comme des bouteilles à la mer sans
espoir de retour.
Il y
a la discrétion du texte, la modestie triste de l'image et ce fond
un peu sale comme l'écran lointain d'un passé un peu rance dont la
rancœur viendrait se déverser sur les rives du présent. Un fond
d'une teinte sépia parsemée de taches, du papier arraché aux
traces fragiles d'une histoire qui remonte par brides et dont les
vagues s'éteignent. Ça traque une tendresse perdue, ça rit, ça
grince, ça grimace et ça joue l'indifférence du silence.
Voici
donc bien des rêves avortés à travers les poncifs des romans
photos d'une autre époque ou ces images mythiques de héros de bande
dessinée, tristes idoles d'une réalité déchue. Ce qui se joue ici
c'est l'image d'une vie impossible et, son corollaire,
l'impossibilité de l'image.
Gérald Panighi crée ce récit claudiquant dans le décalage du
texte et de l'image, dans ce dialogue forcément mensonger. Il y a du
Godard chez lui mais avec cette volonté de décrire les dialogues
impossibles, l'intériorité des solitudes.
Des
découpes de fiction se heurtent, épinglées au mur ou encadrées
sous verre : On y voit une entomologie des sentiments dans le
vaste désert des images qui nous assaillent et des mots qui
hurlent. Paradoxalement, c'est le silence qui résonne ici et cogne
en nous pour nous rappeler les épaves oubliées de nos propres
existences, nos feuilles mortes qu'on sème sans les voir, nos rêves trahis d'une
autre vie dont il convient de ne ne plus même rêver le rêve.
Du 1 au 19 avril 2017